Le prêt-à-penser mode Ikea (uniformisation de la pensée)
La transition washing (partie 1) - (Billet)
Contexte
Pour illustrer mon propos, je me base sur plusieurs facteurs qui ont contribué à modeler nos pensées et nos représeetations en un modèle unique façonné par les objects et ce que nous utilisons. Ce qui a pour conséquence de lisser les modes de pensées et d’uniformiser les décisions comme les solutions, voire innovation et par conséquent, limiter les opportunités de “penser hors du cadre” ce qui est pourtant précieux dans le moment singulier que nous vivons, un changement majeur de paradigme, que d’aucuns nommeront “changement civilisationnel”.
Ce que je nomme la pensée Ikea revient à qualifier le fait que notre monde est formaté et que cela uniformise nos modes de pensée et nous conduit davantage à la servitude volontaire[1].
Difficile de dater quand a pu commencer le début de la mise en place de modalités pour uniformiser les comportements humains. Probablement est-ce consubstantiel aux dynamiques de groupes et aux normes permettant de tenir un groupe social ensemble en partageant des valeurs et des comportements permettant d’identifier un dedans et un dehors au groupe et faciliter la définition des conditions d’appartenance et celles qui définissent l’étranger, « l’ennemi ».
Au besoin de se forger une identité comune qui permet d’appartenir clairement à un groupe, la mondialisation nous a fait glisser vers une uniformisation de nos environnements professionnels et privés dont les formes forgent nos pensées, ce que je nomme forme formante. J’y reviendrai.
L’uniformisation de nos modes de pensée
Je propose de faire débuter ce processus d’uniformisation de masse et mondialisé avec l'ordinateur qui, de par sa structure, conditionne une utilisation unique et a pour conséquence de faire rentrer tout le monde dans un même mode de pensée. Rappelez-vous l'anecdote relatant le fait que quelques personnes utilisaient la souris en la promenant sur l’écran. Cela nous a fait beaucoup rire parce que la norme consistait dans un seul usage et ces maladroits passaient pour « arriérés ». En revanche, nous n'avons pas regardé en quoi cela pourrait démontrer d'une diversité de comportement que nous avons perdus. Car si au lieu de nous moquer nous avions observé là, tels des designers, la diversité de comportements possibles à partir d’un seul outil et si nous avions questionné sur ce qui se passait pour l’utilisateur ? Et si nous avions laissé la fenêtre ouverte aux possibles ?? Et si…
Donc, première étape la standardisation de la pensée par l'utilisation de l'ordinateur qui avec « une seule » manière de fonctionner uniformise les fonctions cognitives, ce qui est accentué par la concentration des GAFAM qui contrôle l’ensemble du domaine.
Puis, est arrivé Internet qui là aussi a contribué à uniformiser les standards cognitifs induisant la même manière de penser de part les modalités uniformes de recherche de l’information. Seuls quelques geeks ont réussi à pousser des alternatives, mais qui, avec les structures de codage, ont là aussi architecturé nos modes de pensée. Les briques open source[2] Linux sont devenues les bases des logiciels des GAFAM.
De l’ordinateur à l’hôtel : nos fondamentaux standardisés
En parallèle, l’ère de la mondialisation s’est accompagnée de chaînes d'hôtel qui partout où nous allons sur la planète que ce soit chez Ibis, Novotel (Groupe Accor) ou Marriott ou Hilton nous trouvons le même type de chambre, de couleurs, de décoration. Là aussi nous avons perdu toute l'originalité des petits hôtels de charme, tenus par des familles qui faisaient de leur établissement une extension de leur maison. La décoration était particulière et différente d'une chambre à l'autre, d'un hôtel à l'autre. Il y avait alors ce plaisir du voyage et de la surprise des décorations inattendues. Ce qui pouvait nous convenir, ou pas, mais cela nous faisait rentrer dans un univers singulier, nous invitait à la découverte et au dialogue avec les propriétaires pour comprendre ce qui les animaient. Nous vivions alors plusieurs dimensions de diversité dans le voyage : celui de la découverte du pays – que désormais nous connaissons à l’avance avec tous les documentaires et films - ou de la région avec son architecture, son urbanisme, ses couleurs, ses odeurs, etc… Et il y avait les hôtels et restaurants aux personnalités fascinantes.
Nous n’avons plus l’occasion de nous perdre
Cela fait partie de l’exploration qui induit des compétences particulières de repérages, d’intelligence spatiale que nous perdons également avec l’usage généralisé des GPS. Nous n’avons plus l’occasion de nous perdre, d’errer et de faire émerger de ces inconforts quelques miracles inattendus et des rencontres formidables.
Ce qui m'avait choquée en allant au Mexique en 2003 fut de découvrir un immense centre commercial qui était la réplique exacte des hypermarchés Carrefour que nous pouvions trouver dans nos villes avec toutes les enseignes d’Yves Rocher à Zara. Faire des milliers de kilomètres pour se retrouver « à la maison » !
Ikéa façonne notre intérieur
Puis, est arrivé Ikea qui façonne nos intérieurs de telle sorte que nous avons tous les mêmes maisons avec les mêmes meubles, certes fonctionnels, mais nous vivons à l'identique d'une habitation à l'autre. Les formes du mobilier ne sont que des carrés ou des rectangles comportant des angles droits.
Lorsque l’on sait que notre maison reflète notre intériorité, quid de la standarisation !
Tout ce qui provient des artisans a alors été relégué au statut dépréciatif de « vintage ». Et les règles des compagnons du devoir oubliées comme celle de construire une maison ou un meuble sur les mesures du nombre d’or[3] qui régit la nature et apporte santé et harmonie, base de la construction des cathédrales par exemple. Et qui pour être représenté reproduit la forme d’une spirale, ronde et ouverte tel le coquillage le Nautile.
Que nous apportent les meubles anciens ?
Si les antiquaires sont en capacité de dater un meuble de préciser son époque comme son pays d’origine, l’essentiel de l’attrait pour le mobilier ancien est d’être le fruit des talents d’artisans et d’artistes et d’illustrer la diversité de leur créativité dans les formes, les matériau, les couleurs, les agencements, les sophistications, les décorations “inutiles”.
C'était tout à fait fascinant de pouvoir apprécier une époque et/ou de distinguer une continuité historique, que ce soit dans notre pays où ailleurs, au travers de ce qu'elle produisait c'est-à-dire ses objets, ses monnaies, ses bijoux, ses meubles, les couleurs employées, les matériaux. Ce qui a contribué à développer le talent des artistes que ce soit dans les pigments, dans les matières utilisées, dans les formes. Cette diversité culturelle, cette richesse se réduit à vue d’oeil en adoptant un seul style, unique, occidental qui broie les différences partout sur la planète.
Tout est mâché, prêt-à-penser
Aujourd'hui avec Ikea, suivi par les autres magasins de mobilier, la décoration est mâchée, tout est déjà, là, agencé pour nous éviter de composer l’originalité d’un chez soi. Non content que la conception et la réalisation sont minimalistes, limitant l’impact de l’âme des créateurs, c’est également la personnalité de l’habitant qui est gommée, car elle est noyée dans les marques prêtes-à-penser et à décorer. Ceci tandis qu’il y avait un vif intérêt à découvrir chez autrui les objets qui avaient traversé les générations et qui racontaient l'histoire d'une famille, sa singularité, ce qui avait été ramené des voyages fruit d’un artisan local, typique et vivant. Aller chez un ami, c’était l’assurance de la rencontre inédite de par l’existence d’une ou plusieurs générations au travers d’objets glanés, racontant des histoires, des géographies, des amitiés, des drames, chaque objet étant porteur d’un contexte culturel précis.
Les matériaux, les bois, les tissus avaient aussi une histoire et reflétaient également les vibrations de matières vivantes.
Perdre de vue le vivant, uniformiser nos vies
Tout ceci est dissous dans un seul moule, qui participe à éliminer des forêts pour créer des objets éphémères, ceci alors que les meubles des artisans pouvaient durer des siècles, une belle inspiration pour la robustesse et la durabilité.
Nous vivons partout des vies standardisées, nous habitons Ikéa, achetons Carrefour ou BioCoop, allons au cinéma UGC, voyons les séries Netflix, utilisons Waze pour nous repérer, sommes addicts aux smartphones, quasi identiques de Samsung à Apple, nos ordinateurs sont quasiment les mêmes et les recherches Google limitent les plaisirs de se perdre dans les bibliothèques. Ah oui ! il reste les musées conservant les vestiges des singularités passées.
Utiliser consciemment le monde qui nous façonne
Il n’est pas question d’être passéiste, je suis la première à tout utiliser, mais savons-nous encore prendre du recul ? Ce qui signifie utiliser tout en étant conscient de ce dont nous sommes les instruments et sans subir les effets/conséquences, ou pour le moins, en diminuer les impacts.
L’enfermement et l’instrumentalisation des réseaux sociaux
Depuis, ce sont ajoutés les réseaux sociaux et surtout en quelques années les algorithmes qui nous enferment dans des communautés, orientent nos choix et nos pensées de par les posts proposés toujours plus fidèles à notre profil et qui reposent sur l’utilisation de notre fonctionnement cognitif, émotionnel et social le plus archaïque. Les modalités du fonctionnement humain : psychologie, neursociences et sociologie sont utilisés par les maketeurs pour davantage nourrir les modalités algorithmiques et nous utiliser comme objet de consommation et non comme sujet de réflexion/discernement. La durée des posts est limitée, ce qui fait le plus de likes c’est de danser sur TiKTok et non pas de lancer des débats.
La normalisation s’impose de plus en plus et partout, les posts censurés, la possibilité de relayer, de diffuser (usage des @ sur les réseaux) est limitée. Ou encore les correcteurs orthographiques (celui de word de Microfoft notamment) censurent les mots que l’on emploie pour éliminer tous ceux à connotation « sexuelle » ou assimilée, ce qui nous prive alors des richesses de la poésie de notre langue, exemple une vision « pénétrante », manger sa salade avec une huile d’olive « vierge » ou encore faire une « percée » sont remplacés par des astérisques. Les standards du prê-à-penser deviennent mondiaux et décidés par des personnes (quand ce ne sont pas par des IA) qui nous privent de l’exercice de notre libre-arbitre. L’expression de notre singularité est de plus en plus limitée. Avec le déploiement de l’IA, dont l’usage et les modalités n’ont pas été tranchés, nous franchissons une étape de plus, puisque nombre de service-clients sont remplacés par des chatbots qui eux aussi forcent à des énonciations lapidaires et simplifiées.
Ce n'est pas un signe de bonne santé mentale que d'être adapté à une société malade. Jiddu Krishnamurti
Le prêt-à-penser dans l’édition
Enfin, dans les productions artistiques et notamment littéraires, il existe là encore des standards basés sur ce qui se vend facilement. La chaîne de diffusion/distribution étant de plus en plus proche de celle de yaourts, les questions qu’un éditeur pose à l’auteur sont : combien de pages (il ne faut pas dépasser un certain format, sinon cela ne se vend pas) ? Quel public (il faut être précis pour que cela aille dans le bon rayon) ? « Une idée, une solution », c’est plus facile à vendre. Et peu importe l’originalité d’une pensée. Rappelons-nous que la durée de vie d’un ouvrage sur une table de libraire est d’environ trois semaines, tant il y a de nouvelles productions. Une offre pléthorique qui éreinte les notions[4] que l’on cherche à promouvoir. A cette allure tout concept est tué par saturation avant même d’avoir pu s’épanouir et se répandre pour nourrir l’écosystème de ses fruits et permettre des innovations.
Dans ces conditions comment accueillir la créativité ?
Je reviens au sujet des livres. Les meilleures ventes correspondent elles aussi à des critères et le processus de best-seller est lui aussi encadré. Combien d’entre nous ont-ils réagi lorsque le bandeau rouge présenté cinq fois en tête de gondole contient la mention « best-seller » alors que c’est le jour même de la sortie du livre ? En revanche, comme le budget de la publicité est souvent colossal et que l’on retrouve l’ouvrage chez Relay, dans les couloirs du métro, les gares, les aéroports et les bureaux de tabac et/ou le marchand de journaux de son quartier, le résultat est simple : tout le monde l’achète et cela devient effectivement le best-seller annoncé.
La confiance du lecteur est alors donnée à l’excellence marketing et au poids de la communication et laisse de côté la variété des créations. Les auteurs indépendants se tournent vers de petits éditeurs, qui, eux, prenant des risques sont bien souvent en situation financière délicate et/ou reste le choix de l’autoédition où ils respectent leur création mais sans avoir de lectorat.
La recherche de simplification conduit à rédiger, par exemple, dans le domaine du Développement Personnel[5], des « recettes de cuisine », du prêt-à-transformer l'individu. Ce qui peut alors conduire à critiquer lesdits ouvrages puisque le format qui est attendu réduit l’appréhension de la complexité d'un être humain ceci pour parvenir à une solution facile à mettre en œuvre et en rayons.
L'acheteur va être incité à se procurer l’ouvrage par l’utilisation de codes couleur, de format attrayant, de titres alléchants, des dessins et tout un attirail de formatage marketing dont il n'a pas conscience et qui le font rentrer de plus en plus dans des éléments de simplification qui l’empêche d'accéder à la complexité du monde pluriel, au multidimensionnel de la nature humaine et du vivant.
Ceci alors même que l’humain comme le vivant nécessitent des approches avec des regards différents singuliers, des pas de côté. Ce qui n’est pas possible puisque cela ne rentre pas dans le moule. Et le problème que cela pose c’est que cela standardise les modèles cognitifs et façonnent le prêt-à-penser sur des bases superficielles, évitant par là-même de toucher les profondeurs de l’être humain et donc l’opportunité de transformations pérennes individuelles et sociétales.
L’effet mimétique est valorisé
Par ailleurs, les réseaux sociaux incitent à valoriser ce qui est le plus liké, sans que soient posés les critères du like. Pour noyer le sujet, les oppositions générationnelles sont avancées visant à davantage cliver les classes d’âge et les communautés sur leurs pratiques numériques.
Ainsi, ne se posant pas la question des mécanismes du « like » ne sont privilégiés que les résultats, les actions concrètes de relais, ainsi l’effet mimétique bat son plein. « Si x, que je considère comme « influenceur » de mon cercle d’appartenance, poste ceci ou like cela, alors moi aussi » sans prendre le temps de vérifier le contenu et encore moins de lire l’article ou l’ouvrage. L’effet narcissique de valorisation à la fois de l’émetteur comme de celui qui relaie primant sur le sens et le discernement.
Le biais de conformité sociale (ou biais de conformité)
Ce biais décrit la tendance des individus à adopter les comportements, opinions ou attitudes du groupe ou d'une figure perçue comme légitime ou dominante (comme un influenceur), même si cela va à l’encontre de leur jugement initial.
Par conséquent des questionnements intérieurs essentiels sont évités. Est-ce que ça m'intéresse ? Est ce que ça a vraiment du sens pour moi ? Est-ce que j'ai vraiment envie de relayer cette information ? Où suis-je prisonnier du système ? Car si n’agis pas comme ma « tribu » je prends le risque de ne plus faire partie de « ma » ou « mes » communautés ». Et face au risque du rejet, se referme alors le piège du besoin d'appartenance qui va prévaloir sur le discernement et la raison.
Vouloir faire bouger les choses : l’illusion numérique
L’élan de nombreuses personnes voulant contribuer à changer le monde vers plus d’écologie et de respect de la biodiversité, notamment, s’est traduit par voir dans le numérique la formidable opportunité de faire basculer le monde rapidement, le fameux Tipping Point[6]. Et c'est tout à l'honneur de celles et ceux qui cherchent à faire évoluer les mentalités et les comportements d’avoir identifié combien le numérique permettait de toucher, en quelques clics, potentiellement des milliers de personnes. Et d’avoir créé des applications faciles à utiliser qui permettent de véhiculer des informations et des pistes d’actions rapidement.
Force est de constater que cela a permis une fantastique montée en puissance de la compréhension de certains phénomènes, des prises de conscience et a facilité la mobilisation de milliers de personnes à s’engager vers des actions apportent des améliorations significatives pour la planète.
Toutefois, les changements de comportements significatifs et profonds qui alignent par exemple des discours de coopération avec des actes réels d’entraide et non de prédation restent encore à développer. Notre défi actuel réside dans le fait d’incarner nos idéaux.
Si un certain nombre de résultats sont observables, ce que je pointe ici c'est le fait de rentrer dans la pensée formatée, d’être manipulé par les différentes sources de formatage, sans en avoir forcément conscience. Ce qui a pour conséquence de mettre beaucoup d'énergie à vouloir changer « le monde » sans réaliser que peut-être nous faisons en fait tous la même chose sans avoir de moyen d'apprécier si l’action x, collectivement partagée, est pour autant la meilleure et nourrit le vivant. Ou est-ce que nous alimentons encore une fois le phénomène de « clonage » de pensée et d’action dans lequel, finalement, tout est pareil partout sans avoir anticipé les conséquences des choix réalisés. En prenant conscience du degré d’instrumentalisation de nos élans par les algorithmes, nous prenons conscience de l’entre-soi et de l’épuisement à chercher à changer les choses en s’adressant finalement à une toute petite partie de la population, celle qui nous ressemble et en manquant l’implication de la diversité. Le prêt-à-penser entretient également l’entre-soi, instrumentalisé par les algorithmes des réseaux sociaux.
En quoi est-ce un problème ?
L’uniformisation de nos fonctions cognitives nous prive, par définition, de la diversité de la pensée et l’on peut mieux comprendre les réactions de certains peuples contre cette lobotomisation lancée par le progrès occidental. Le problème c’est que bien souvent les alternatives proposées par ces derniers sont d’autres formatages aux formes majoritairement liberticides.
La forme formante asphyxie nos possibilités d’innovation dans une période chaotique, malheureusement, sans que nous en ayons conscience.
La forme formante c’est l’influence d’une forme (meubles Ikéa, par expemple) sur notre mode de pensée. Nous sommes formatés cognitivement par la forme et l’utilisation des objets et ceci inconsciemment. L’ordinateur, cité en début d’article, a une forme quasiment unique carrée ou rectangulaire et est composé de logiciels analogues partout dans le monde ce qui façonne nos modes d’utilisation et donc de pensée pour appréhender les informations, les savoirs, la rédaction, les recherches d’information et ceci à notre insu.
Se couper des inspirations du vivant
Revenons à quelques basiques biologiques. Le vivant[7] part de quelques briques de base (bactéries notamment) et crée une infinie diversité de formes, la créativité est sans limites. L’être humain, moderne, clone et uniformise, le vivant dont nous sommes issus. Alors que nous ne sommes qu’une petite partie de la nature, nous sommes constitués de ses propriétés et nous l’avons oublié.
L'homme est la nature prenant conscience d'elle-même. Elisée Reclus
Ceci tandis que le vivant, lui, crée sans relâche une variété incroyable d’espèces et de formes.
Limitation à penser la complexité
Par conséquent, limiter notre mode de pensée en uniformisant les modalités cognitives nous prive de la possibilité de « penser » et composer avec la complexité du vivant. Face à la mise en lumière de la complexité humaine, accentuée par nos interactions systémiques, le saut cognitif pour l’embrasser est tel que la réaction massive est le rejet qui se traduit par des conservatismes et des régressions en tout genre. Cela nous prive aussi de la créativité de solutions, puisque nos comportements numériques, mimétiques, nous encouragent à copier les prêts-à-solutions sans nous autoriser de partir d’une proposition et d’élargir à une variété d’options contradictoires.
Par ailleurs, refuser de suivre les lois du vivant[8] peut nous conduire, d’une part, en nous coupant de ses composantes intrinsèques, des ressorts de la pluralité de pensée et d’actions et, d’autre part, nous amener à manifester des comportements « contre nature » au sens de nous conduire à nous priver des ressorts de la dynamique de la vie. Et c’est ainsi qu’en occultant le principe des limites du vivant nous prélevons toujours plus à la nature, épuisant la Terre et réduisant la biodiversité. Tandis qu’accepter notre finitude, c’est inverser la tendance et nous rendre créatifs dans l’enclos des contraintes[9]. Sortir de l’uniformisation de la pensée c’est retrouver l’école buissonnière du vivant et avec lui les pistes foisonnantes pour traverser nos crises.
Quel lien avec la « transition washing » ?
J’entame plusieurs articles sur la « transition washing » pour mettre en lumière des comportements ou les effets de nos tentatives à changer le monde qui peuvent se traduire par des conséquences contradictoires. Ceci par méconnaissance des mécanismes intrinsèques à l’être humain, tels les biais cognitifs par exemple ou encore les besoins sociaux et émotionnels et également le façonnage de nos modes de pensée par des entreprises qui grossissent, sans fin, à cause de nos comportements mimétiques.
Nous avons la chance extraordinaire de pouvoir nous observer tout en agissant, pour la première fois de notre humanité, profitons-en pour élever notre niveau de conscience et de prise de conscience. Peut-être alors nous pourrions réussir plus largement les transitions nécessaires de notre époque ? Chiche !
Christine Marsan
12 juin 2023 (extrait d’une conférence intra entreprise), modifié le 8 octobre 2024, 29 mai 2025.
[1] https://www.radiofrance.fr/franceculture/discours-de-la-servitude-volontaire-de-la-boetie-l-un-des-premiers-requisitoires-contre-le-pouvoir-absolu-6924072
[2] Cela fait l’objet d’un autre article.
[3] https://fr.wikipedia.org/wiki/Nombre_d%27or
[4] https://lanthroposcene.fr/2022/05/05/couper-les-mots-couper-les-idees/
[5] Julie de Funés, Le développement (im)personnel: Le succès d'une imposture, L’Observatoire, 2019.
[6] Tipping point : point de bascule. https://fr.wikipedia.org/wiki/Tipping_point_(sociologie) ;https://fr.shopping.rakuten.com/mfp/5451431/le-point-de-bascule-comment-faire-une-grande-difference-avec-de-tres-petites?pid=1698383&fbbaid=14108260207&t=180191&gad_source=1&gbraid=0AAAAADrTKD8bjtO2eg3XESb5lY2apot1A&gclid=Cj0KCQjwyL24BhCtARIsALo0fSD2mz9D6FZcVa7QJrIiTRH94Pp37kyG97WUpMrhiTH3Hhh6t6BRWgsaAtyuEALw_wcB
[7] https://www.linkedin.com/pulse/mais-de-quel-vivant-parlons-nous-christine-marsan-jsate/?trackingId=kxcf6pe4RzegeLvTR5opVQ%3D%3D
[8] https://www.editionslesliensquiliberent.fr/livre-Le_choix_du_vivant-9791020905772-1-1-0-1.html



