Introduction
Nous poursuivons notre périple au travers des apports de contributeurs divers pour nous apporter des regards pluriels, décalés et parfois convergents pour comprendre l’époque que nous vivons et nous permettre une vision systémique.
Nous ne pouvons appréhender raisonnablement le monde contemporain qu’avec un regard pluridisciplinaire. Seuls, notre vision est intriquée, ensemble, nous pouvons plus finement saisir les soubresauts du monde et alors agir avec davantage de discernement.
Et nous avons besoin d’espoir. Nous avons autant besoin de comprendre que de trouver des voies de résilience. Alors bienvenue dans ce nouveau post !
La contribution de Julien Devaureix
Aujourd’hui le blog du EsT d’Alter’Coop accueille une contribution de Julien Devaureix, créateur de la plateforme Sismique : https://www.sismique.fr
Voici le lien vers le post et le profil de Julien Devaureix : https://www.linkedin.com/posts/devaureix_japon-puissance-croissance-activity-7292115822657859584-Xgz-?utm_source=share&utm_medium=member_desktop&rcm=ACoAAAIpB4cBipkcXmmgGOtb-RdgWays1KhA8ZM
Argument
Il existe des moments dans l'Histoire où une civilisation fait face à sa propre démesure.
Le Japon des Tokugawa en 1670 nous offre peut-être le plus fascinant des exemples.
Imaginez : en un siècle, la population a triplé. Les forêts millénaires ont disparu sous la hache des bûcherons. Les sols s'érodent. Les rivières débordent. Les montagnes glissent.
Une civilisation au bord du précipice.
C'est dans ces moments que se révèle la vraie nature d'une culture. Face à l'abîme, deux voies s'ouvrent toujours : continuer la fuite en avant, ou inventer un nouveau rapport au monde.
Les Tokugawa ont choisi la seconde voie. Non par idéalisme, mais par lucidité.
Ce qu'ils ont créé est fascinant : un système complet de limitation volontaire de la puissance collective. Une révolution silencieuse qui allait transformer leur rapport à la Nature.
Là où nous imaginons la limitation comme une contrainte, ils en ont fait un art.
Là où nous voyons la modération comme une faiblesse, ils en ont fait une force.
Là où nous fuyons les limites, ils les ont embrassées.
Cette sagesse ne s'arrêtait pas aux forêts. Les Tokugawa avaient compris quelque chose de fondamental sur la puissance : une fois libérée, elle devient impossible à contrôler.
Ils ont donc fait l'impensable : interdire les armes à feu, limiter drastiquement le commerce extérieur, réguler la taille des navires, encadrer strictement les marchands. Une civilisation entière qui choisit consciemment de ne pas maximiser sa puissance.
Puis vinrent les navires noirs américains. L'humiliation. La peur d'être dominé.
En quelques décennies, le Japon bascule dans l'autre extrême. L'ère Meiji ouvre la course effrénée à la puissance industrielle et militaire. Une fuite en avant qui culminera dans le désastre de la Seconde Guerre mondiale.
Aujourd'hui, le Japon incarne toutes nos contradictions modernes : une étiquette sociale raffinée dans un capitalisme féroce, des rituels de modération dans une société de surconsommation, une esthétique de la simplicité dans le pays des gadgets électroniques.
L'expérience Tokugawa nous enseigne quelque chose d'essentiel : la limitation volontaire de la puissance n'a fonctionné qu'en circuit fermé, protégé du monde extérieur.
Dans notre monde globalisé, le défi n'est plus national mais universel : comment inventer une sagesse de la limite qui transcende les frontières ?
Des idées ?
D'autres exemples de limitations volontaires de puissance ?
Retrouvez ses posts sur Sismique : https://www.sismique.fr