De la domination (masculine) à la soumission puis à la reconquête de la liberté
Article long, Christine Marsan
La compassion (…) n’est pas, comme on le croit trop, une passion faible, ou une passion d’homme faible, qu’on puisse opposer à celle, plus virile, de la justice ; loin de répondre à une conception sentimentale de la vie, cette pitié chauffée à blanc n’entre comme une lame que chez ceux qui, forts ou non, courageux ou non, intelligents ou non (là n’est pas la question), ont reçu l’horrible don de voir face à face le monde tel qu’il est.
Marguerite Yourcenar.
Intention :
Dans cet article, je vous propose un panorama, non exhaustif, nous permettant de comprendre les rouages de la domination et de la soumission comme les voies de libertés et de leurs entraves. Pour ce faire, j’alterne des résumés des pensées principales des auteurs convoqués pour étayer mon argumentation en fin d’article.
J’ai utilisé l’IA générative pour faciliter les recherches et les rédactions des auteurs. Et aussi pour la majorité des illustrations.
Contexte :
Depuis l’élection de Donald Trump flanqué d’Elon Musk et JD Vance, les décision liberticides s’enchaînent qui feraient pâlir Georges Orwell. 1984 est dépassé par la réalité : novlangue (suppressions de mots, de dizaines de milliers d’articles et de références scientifiques), suppression de tout contre-pouvoir, de la culture, négation de l’éducation, etc, etc.
Pour ceux et celles pour qui cette violence reste encore une surprise, je vous invite à parcourir le post précédent qui en décrit le mécanisme, Le choc des ombres :
Nous pourrions nous questionner sur l’origine de ce retour de la violence et comment une démocratie peut se faire démanteler en moins de deux mois tandis qu’il a fallu plusieurs décennies à la bâtir et des guerres pour qu’elle devienne le soutien de la Première Puissance du Monde.
Je rappelle que la période que vivons est suffisamment complexe pour envisager une analyse multifactorielle dont cet apport comme les précédents n’est qu’un angle de vue pour tenter de comprendre et donc d’agir. Il ne se veut nullement exhaustif.
Je choisis de me concentrer ici sur les mécanismes de la domination et de la soumission et combien ils participent à museler notre liberté.
Commençons par examiner ce climat autoritaire sous le regard de la domination (masculine) au sens de Philippe Bourdieu. Comment cette structure visible et invisible a façonné nos esprits au point de ne plus la voir à l’œuvre.
Nous verrons en quoi elle sabote la liberté en entretient la force plus ou moins brutale selon les époques.
Argument :
Domination masculine : de quoi parle-t-on ? Les apports de Philippe Bourdieu
Philippe Bourdieu, sociologue, spécialiste des hiérarchies sociales, explique dans son ouvrage La domination masculine[1] les mécanismes de la domination. Notamment, il s’oppose à l’anhistorisme du patriarcat et se propose de faire l’archéologie d’un inconscient commun, construit depuis le début des sociétés humaines et qui est à l’origine de la domination masculine.
Bourdieu montre que la reproduction de la différenciation des sexes, par le biais de la famille, de l’École et de l’Église, aurait établi le caractère naturel et évident de l’origine de la domination masculine.
La violence physique expression à la domination, a longtemps été expliquée par la différence de morphologie ayant essentiellement pour origine la différence des régimes alimentaires. Les hommes mangeant davantage de viande que les femmes notamment pour chasser et réaliser les travaux des champs[2], différence qui tend à s’estomper depuis le XXème siècle dans les pays, essentiellement occidentaux, où l’homogénéisation de l’alimentation entre les hommes et les femmes modifient de manière substantielle les corps des individus.
Sans nier la violence physique liée à cette domination, Bourdieu analyse les effets de la violence symbolique et invisible dont sont victimes les femmes. Ces effets imposent des catégories qui sont construites du point de vue des dominants. Même si la domination s’exerce sans aucune malveillance généralisée et explicite de la part de la majorité des hommes, cette inconscience rend la domination d’autant plus difficile à combattre. Pour cette raison l’œuvre de Bourdieu est essentielle car elle met en lumière l’origine des structures inconscientes qui nous déterminent.
C’est ce que nous voyons dans les contes de fées, les dessins animés que certains tentent de rendre visibles et dont malheureusement la dimension vindicative du wokisme[3] – qui peine à trouver une définition homogène – discrédite les discours et génère des réactions violentes en retour, comme celle de Donald Trump. Chaque excès conduit à un effet de balancier de l’Histoire.
La différenciation sexuelle fondée sur la différence biologique entre le corps masculin et féminin :
La différence anatomique entre les organes sexuels peut ainsi apparaître comme la justification naturelle de la différence socialement construite entre les genres.
Les structures sociales influencent ainsi l’organisation de l’espace, du temps ainsi que la division sexuelle du travail. En termes de pouvoir, cette dernière se traduit par une sous-représentation des femmes dans les sphères dirigeantes du monde économique et politique.
Une domination symbolique et intériorisée
Bourdieu attire l'attention sur l'importance de la violence symbolique qui n’est pas perçue parce qu’elle est liée à l’application d’un ordre social, à une vision du monde sexuée qui s’inscrit dans nos habitus. L’Habitus[1] forme ainsi les conduites ordinaires en les rendant automatiques.
C’est ainsi que nous pouvons comprendre le besoin de différencier les sexes des genres pour sortir des effets de discrimination et de domination. Toutefois, comme mentionné précédemment, les tentatives du wokisme ont été maladroites car outrancières et trop rapides. Le summum ayant été vécu avec la cérémonie d’ouverture des JO de 2024, 45 minutes consacrées au wokisme ont eu un effet inverse. Les sociétés les plus conservatrices ont même coupé la diffusion[2]. Au lieu d’ouvrir les esprits à la tolérance, cela a réveillé tous les conservatismes. C’est comme attaquer un tabou de front, la réaction est proportionnellement aussi violente que l’information est enfouie inconsciemment[3].
Il est très difficile de faire bouger les mentalités, surtout lorsqu’elles sont inscrites dans notre inconscient depuis des dizaines de milliers d’années. La question se pose alors légitimement des moyens pour y parvenir. Pédagogiquement, en expliquant, en démontrant, toutefois, ne voyant pas de transformations de comportements c’est alors le choix d’un militantisme plus offensif cherchant à faire réagir ? L’écologie a rencontré la même difficulté et est allée sur le terrain du militantisme offensif cependant au lieu de faire évoluer les comportements, cela renforce le discrédit et la virulence des réactions du « système ».
La violence symbolique consiste dans la capacité des structures de domination à faire méconnaitre l’arbitraire de leur production culturelle et symbolique. Ce qui nous apparaît comme légitime ne l’est en fait pas forcément. Les divisions sociales sont intégrées dans l’espace social sans que nous en ayons toujours conscience. Les dominés incorporent la vision des dominants. Cette soumission paradoxale est invisible même pour ses victimes qui sont donc conduites à entretenir ce rapport de domination. C’est ce que nous voyons en Iran avec des femmes qui participent, avec la milice du régime islamiste, à violenter les autres femmes et les hommes qui se battent pour la liberté.
Chacun reproduit les schèmes qui sont le produit de la domination (...) les actes deviennent des actes de soumission, d’une part, et de reproduction de la domination, d’autre part.
La domination appelle en contrepartie, la soumission.
La soumission volontaire selon La Boétie
Il est incroyable de voir comme le peuple, dès qu’il est assujetti, tombe soudain dans un si profond oubli de la liberté qu’il lui est impossible de se réveiller pour la reconquérir.
Etienne de la Boétie
La soumission volontaire désigne une situation paradoxale dans laquelle des individus acceptent, sans contrainte physique directe, de se soumettre à une autorité ou à un pouvoir. Dans son Discours de la servitude volontaire[1], Étienne de La Boétie démontre que les tyrans ne détiennent leur pouvoir que parce que les peuples l’acceptent. Selon lui, la force seule ne suffit pas à maintenir un pouvoir ; c’est le consentement, souvent inconscient, du peuple qui permet la domination.
Il met l’accent sur la puissance de l’habitude : la servitude devient normale lorsqu’elle dure.
Pour explorer son sujet, il s’interroge sur l’étrangeté de la soumission. Il souligne l’incompréhensibilité apparente du phénomène. Pourquoi tant d’êtres humains acceptent-ils d’obéir à un seul, alors qu’ils sont plus nombreux, parfois des millions contre un seul tyran ? C’est alors qu’il identifie la soumission comme volontaire
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, cette domination ne repose pas seulement sur la force, les tyrans ne sont puissants que parce que le peuple leur obéit. C’est donc le peuple lui-même qui donne son pouvoir au tyran, en acceptant de se soumettre.
Cependant, cet élément ne suffit pas, il pointe l’habitude comme moteur de la servitude. "On s’habitue à obéir comme on s’habitue à tout."
La Boétie mentionne également le facteur de reproduction de la domination et donc de l’habitude. Le consentement repose en grande partie sur l’habitude. Ceux qui naissent sous la domination, dans un régime autoritaire, ne connaissent pas d’autre mode de vie ni la liberté et finissent par trouver l’obéissance et la servitude naturelles.
Par ailleurs, il démontre l’illusion du consentement par force techniques de manipulations.
Les tyrans utilisent des distractions, des récompenses, des jeux, des fêtes pour maintenir la soumission. Le peuple est "amusé" et se détourne de sa liberté.
Rappelons-nous que Donald Trump a réalisé des émissions de télé-réalités à forte audience et avec un grand succès. Il a ainsi transféré dans le champ politique ses techniques de manipulations télévisuelles adjointes à celles des réseaux sociaux[2].
Ainsi, la domination se fait douce, presque séduisante : on échange la liberté contre un peu de confort ou de divertissement. Ainsi, chacun trouve un intérêt personnel à se taire et à obéir.
Impliquer la hiérarchie
Cependant, la tyrannie ne fonctionne pas seule : elle repose sur une pyramide de complices, chacun profitant d’un peu de pouvoir sur les autres. C’est ce que La Boétie nomme la complicité hiérarchique. C’est une chaîne de dépendance : du tyran aux plus petits serviteurs. Chacun y trouve son compte, l’un le pouvoir, les autres le confort, cela maintient le système et plus rien ne bouge. Chacun défendant l’existant car il aurait trop à perdre.
La clé de la liberté : refuser d’obéir
Soyez résolus à ne plus servir, et vous voilà libres.
Etienne de la Boétie.
Etienne de la Boétie ouvre une perspective. Il propose une voie radicale et simple : le peuple n’a pas besoin de révolte violente, il suffit de ne plus obéir pour que le tyran tombe. Si le peuple cesse de le servir, qu’il lui retire son obéissance alors le pouvoir s’écroule.
La liberté n’exige donc pas forcément une révolution violente, mais une prise de conscience collective et un refus d’obéir. La servitude est moins une fatalité qu’un choix, souvent inconscient, mais toujours révocable.
Poursuivons notre périple du couple domination-soumission, parcourons les thèses de Machiavel.
Les mécanismes du machiavélisme et la pensée de Machiavel
Le machiavélisme, inspiré de l’œuvre de Niccolò Machiavel, désigne une manière d’exercer le pouvoir fondée sur la ruse, la stratégie et l’efficacité, parfois au mépris de la morale traditionnelle. Dans Le Prince (1513)[1], Machiavel rompt avec l’idéalisme des philosophes antiques et propose une vision réaliste de la politique, en affirmant que le dirigeant ne peut se permettre de toujours agir selon les principes de bonté ou de justice. Selon lui, le pouvoir ne se conserve pas par la vertu, mais par la virtù, c’est-à-dire la capacité à agir avec intelligence, force et opportunisme dans un monde instable.
Le réalisme politique : décrire le pouvoir tel qu’il est
L’une des ruptures majeures introduites par Machiavel est son refus de penser la politique en termes de vertu morale. Il ne cherche pas à décrire ce que le pouvoir devrait être, mais ce qu’il est réellement. Il affirme : « Un homme qui veut faire profession de bonté en toute circonstance court à sa perte parmi tant d’hommes qui ne sont pas bons. » (Le Prince, chap. XV). Selon lui, un dirigeant qui agit selon les principes de la vertu chrétienne — bonté, justice, honnêteté — dans un monde corrompu, est condamné à l’échec. Il doit donc apprendre à agir "non selon les lois, mais selon la force" si la situation l’exige. Cette lucidité brutale marque le début de la pensée politique moderne.
Il n’est pas inintéressant de se souvenir du contexte historique de la pensée de Machiavel qui selon Innocent Gentillet, publiant en 1576 un Discours sur les moyens de bien gouverner et pointait combien les doctrines machiavéliques ont sans doute contribué aux guerres de religion et à la Saint-Barthélémy. Comment ne pas voir le parallèle aujourd’hui où les communautés religieuses se referment chacune sur ses fidèles et où les radicalismes prédominent ? Dans de nombreux pays, les conservatismes et ségrégationnismes font poindre la menace d’affrontements, au nom de Dieu, encore.
La fortune et la virtù : la maîtrise du destin
Il vaut mieux être impétueux que circonspect, car la Fortune est femme,
et il faut, si l’on veut la dominer, la battre et la malmener[1].
Le Prince, chap. XXV
Machiavel articule sa réflexion autour de deux notions clés :
La Fortune, personnification de la chance, du hasard, des circonstances incontrôlables.
La Virtù, concept central chez lui, qui ne désigne pas la vertu morale, mais la capacité d’agir efficacement, avec audace, prudence et intelligence stratégique.
Face à la Fortune — le hasard ou les circonstances extérieures — le « bon prince » doit savoir s’adapter, prendre des décisions audacieuses et dominer les événements plutôt que de les subir. Il sait saisir les occasions, s’adapter aux changements et imposer sa volonté dans un monde instable. Tandis que le fait de redonner à l’homme la responsabilité de son destin est une idée profondément humaniste, voilà que Machiavel va l’utiliser pour justifier le fait d’accepter, si nécessaire, d’agir contre la morale commune, car en politique, la fin peut justifier les moyens. Ainsi, « il vaut mieux pour un souverain d’être craint qu’aimé, s’il ne peut être les deux, car la crainte assure l’ordre et la stabilité ».
Le pouvoir ne se conserve pas par la seule bonté
Ensuite, Machiavel distingue soigneusement la morale privée de la morale politique. Un bon gouvernant ne peut se permettre de suivre les mêmes règles que le citoyen ordinaire. Il doit être capable, si nécessaire, de recourir à la violence, à la ruse, ou à la trahison pour garantir l’ordre et la stabilité de l’État.
La peur, pour Machiavel, est un outil de gouvernement plus fiable que l’amour, car elle ne dépend pas des passions changeantes du peuple. Toutefois, il précise que la crainte doit être sans haine : le Prince doit éviter d’être cruel sans raison.
L’art de la dissimulation et de l’apparence
Il est nécessaire au Prince de savoir bien user de la bête et de l’homme. [...]
Il doit être un renard pour connaître les pièges, et un lion pour effrayer les loups.
Le Prince, chap. XVIII
Machiavel insiste sur l’importance de l’apparence : un bon dirigeant doit savoir dissimuler ses intentions, paraître juste et honnête tout en étant capable d’agir avec cruauté ou duplicité si la situation l’exige. Il doit être à la fois lion (force) et renard (ruse), combinant brutalité et finesse selon les besoins. Ces références animales — le lion et le renard — symbolisent l’usage équilibré de la force et de la ruse.
Un prince doit savoir feindre la vertu, même s’il agit autrement dans l’ombre. Le peuple juge surtout ce qu’il voit, et non ce qui est.
Le Prince idéal est donc un stratège, un acteur, parfois un illusionniste.
La fin justifie les moyens : une logique de l’efficacité
Machiavel ne dit jamais explicitement « la fin justifie les moyens », mais c’est l’un des principes qui découle de sa pensée. Pour lui, le succès politique est la seule mesure valable. Le bien commun — en particulier la stabilité de l’État — peut justifier des actes immoraux.
Les actions d’un prince sont jugées par leur issue. [...] Qu’il cherche donc à vaincre et à maintenir l’État : les moyens seront toujours jugés honorables et loués de tous.
Le Prince, chap. XVIII
Machiavel ne promeut pas le mal gratuit : il insiste sur l’usage raisonné et limité de la violence, dans un but politique précis.
Machiavel aujourd’hui : le machiavélisme comme comportement
Aujourd’hui, le machiavélisme est devenu un concept désignant une attitude calculatrice et manipulatrice dans les rapports de pouvoir. Ce qui repose néanmoins sur une idée forte : la politique est une affaire de lucidité, non d’idéalisme, et le chef efficace est celui qui comprend et maîtrise les règles du jeu réel.
En psychologie contemporaine, le machiavélisme est l’un des traits associés au narcissisme et la psychopathie. Il se manifeste par :
Un manipulateur froid, stratège, prêt à mentir pour atteindre ses objectifs.
Une faible empathie, mais une forte capacité à lire les autres et à les instrumentaliser.
Un goût pour le contrôle, la domination, et une vision utilitariste des relations humaines.
L’extrapolation faite des écrits de Machiavel, si elle tend à déformer son idée première, correspond malheureusement à ce que certains dirigeants contemporains font vivre au monde entier, Donal Trump, Elon Musk, Javier Milei ou encore Vladimir Poutine. Rappelons que Machiavel n’était pas immoraliste : il était amoral, c’est-à-dire indifférent à la morale lorsque la politique l’exige. Mais, les dirigeants ultraconservateurs contemporains utilisent délibérément les références en matière d’art de gouverner selon ce qui les arrange qui les arrangent aussi bien Machiavel que l’Art de la guerre de Sun Tzu. Le cynisme prime sur la morale, le bien commun, le respect des peuples et l’éthique.
Ce qui nous conduit à nous poser la question de la banalité du mal avec Hannah Arendt.
La "banalité du mal" – Hannah Arendt
Dans Eichmann à Jérusalem, Hannah Arendt développe la notion de banalité du mal à partir de son observation du procès d’Adolf Eichmann, un haut fonctionnaire nazi responsable de la logistique de la déportation des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Contrairement à l’image attendue d’un monstre cruel ou d’un idéologue fanatique, Arendt découvre un homme ordinaire, sans personnalité remarquable, qui se perçoit lui-même comme un simple exécutant d’ordres. Il ne présentait aucune psychopathologie, ni fanatisme particulier. Il se voyait comme un simple rouage de la machine, exécutant les ordres sans questionnement moral.
C’est cette absence de pensée – qui n’est pas la stupidité – qui m’a semblé être la caractéristique essentielle d’Eichmann. […]
C’est ce qui m’a permis de proposer cette phrase, la banalité du mal.
Hannah Arendt
Pour Hannah Arendt, ce constat révèle une forme de mal particulièrement inquiétante : un mal qui ne naît pas nécessairement de la haine ou de la cruauté, mais de l’absence de pensée, du conformisme, et de la soumission aveugle à l’autorité. Eichmann incarne cette figure de l’individu incapable de réfléchir par lui-même, de se poser des questions morales ou de se mettre à la place de l’autre. Il se cache derrière la légalité des ordres reçus et l’organisation bureaucratique du régime nazi pour fuir toute responsabilité personnelle. C’est la déresponsabilisation par la bureaucratie, par le système.
Ce qui est terrifiant, c’est que des actes monstrueux peuvent être commis sans intention malveillante personnelle.
Nous avons vu le même processus se produire avec le Covid et le confinement, l’ensemble de la machine bureaucratique s’est mise à obéir, il n’y a plus eu d’espace pour réfléchir et questionner et ceux qui l’on fait se sont fait exclure et qualifiés de « complotistes » - même si certains ont en effet versé dans des raisonnements excessifs, faute de dialogue fécond et d’écoute des arguments-. Il n’y a pas eu le temps des explorations et des démonstrations, seuls les ordres ont primé[1]. La sécurité a prévalu sur la raison et la prévention a également conduit à des milliers de morts suite aux vaccins non validés. On voit toute la difficulté de « piloter » un pays surtout lorsque la pression est internationale sur les normes à suivre.
L’absence de pensée : un mal radical
Hannah Arendt observe qu’Eichmann est incapable de penser par lui-même, de se mettre à la place des autres. Il invoque l’obéissance aux lois et aux ordres pour justifier ses actes. Elle montre comment une structure étatique peut rendre le mal "légal" et donc "normalisé".
Ce qui la conduit à insister sur l’importance de la pensée comme acte moral : penser, c’est juger, apprécier, soupeser et donc résister au mal.
Ainsi, la « banalité du mal » désigne cette capacité des individus à commettre des actes atroces sans intention malveillante, simplement parce qu’ils ne remettent pas en question ce qu’on leur demande de faire. Le danger, selon Arendt, ne réside pas seulement dans les figures du mal extrême, mais aussi dans la médiocrité des exécutants, dans cette incapacité à penser et juger par soi-même.
La responsabilité individuelle malgré tout
Ainsi, Hannah Arendt montre que le mal n’a pas toujours un visage terrifiant. Il peut être administratif, procédural, sans passion ni haine et c’est justement cela qui le rend encore plus dangereux. Le danger consiste dans la déshumanisation par la routine et la défaillance de la pensée personnelle et du jugement moral. Elle souligne que cela n’exonère pas Eichmann de sa responsabilité : même au cœur d’un système totalitaire, l’individu conserve toujours la possibilité de dire non. Elle rappelle qu’il aurait pu dire non, qu’il avait le choix.
La responsabilité morale ne disparaît pas dans un système totalitaire.
La réflexion morale, la capacité à juger et à résister, restent des devoirs fondamentaux pour éviter de participer au mal.
D’où l’importance essentielle de développer l’esprit critique, cette notion essentielle qu’apporte l’éducation et la philosophie en particulier, l’art de se poser des questions, ne rien prendre pour acquis, remettre en cause les évidences, rechercher les sources et les croiser pour se forger un avis, pluriel.
Et là le risque c’est de gérer notre égo et nos opinions. L’audimat peut avoir raison de notre discernement car pour apporter des informations régulières ET référencées deux temps s‘affrontent le chronos de l’immédiateté de la présence numérique et le temps de la réflexion et des sources à rechercher et analyser.
Le monde ne se laisse pas appréhender dans l’accélération. Penser, c’est toujours ralentir. Hartmut Rosa[2]
Nous ne pourrions terminer ce tour d’horizon, non exhaustif, sur le couple domination-soumission sans mentionner les travaux de Milgram ou Zimbardo.
L’obéissance à l’autorité :
Les expériences de Stanley Milgram[1] et Philip Zimbardo ont démontré que des individus ordinaires peuvent, sous pression, obéir à des figures d'autorité jusqu’à commettre des actes contraires à leur conscience morale. Milgram montre que la majorité accepte d’infliger de la douleur à autrui sur simple injonction. Zimbardo, avec son expérience carcérale, révèle comment les rôles sociaux peuvent rapidement engendrer abus et cruauté.
Ces recherches soulignent que l’obéissance n’est pas pathologique mais structurelle : c’est un produit de l’éducation, du conformisme social, et du besoin de reconnaissance.
Cependant, le contrôle des expériences a rapidement été perdu, surtout cette de Philip Zimbardo. Les prisonniers ont subi — et accepté — un traitement humiliant et parfois sadique de la part des gardes, et à la fin beaucoup d'entre eux ont souffert d'un sévère dérangement émotionnel.
Une des critiques des travaux de Zimbardo
Haslam et Reicher (2003), deux psychologues de l'université d'Exeter et de St Andrews, ont dirigé une reproduction partielle de l'expérience du professeur Zimbardo avec l'aide de la British Broadcasting Corporation, qui a diffusé des scènes de l'étude en tant qu'un programme de télé-réalité appelé « The Experiment ». Leurs résultats et conclusions furent bien différents de ceux obtenus par Zimbardo. Même si leur procédure n'était pas exactement celle de Zimbardo, leur étude jeta des doutes supplémentaires sur la généralité de ses conclusions. En particulier, ils remettent en question le fait que les personnes « glissent » sans opposition dans leur rôle et l'idée que la dynamique du mal ne soit en aucune façon banale. Leur recherche montre également l'importance du (ou des) meneur(s) dans l'émergence d'une tyrannie[2].
L’influence des figures d’autorité comme moteur pour l’action corrobore les arguments d’Hannah Arendt sur le poids de la hiérarchie et de l’administration pour gommer l’analyse individuelle et le choix moral.
Nous nous intéressons à présent aux pistes de sortie vers la liberté.
Les voies de la liberté :
Avec le travail de Françoise Héritier nous passons de la domination aux pistes de liberté
L’anthropologue française Françoise Héritier (1933-2017), héritière intellectuelle de Claude Lévi-Strauss, a profondément marqué la pensée contemporaine sur la question des sexes et de la domination masculine. À travers notamment Masculin/Féminin I – La pensée de la différence (1996) et Masculin/Féminin II – Dissoudre la hiérarchie (2002), elle développe une thèse centrale : la domination masculine est universelle, mais elle n’a rien de naturel. Elle résulte d’une construction symbolique, d’une interprétation sociale des différences biologiques, et non d’une quelconque supériorité objective.
Une hiérarchie universelle : la “valence différentielle des sexes”
Il n’existe pas de société connue où le féminin soit valorisé par rapport au masculin.
Françoise Héritier
L’idée fondamentale de Françoise Héritier est ce qu’elle appelle la “valence différentielle des sexes”. Elle constate que, dans toutes les sociétés étudiées, le masculin est systématiquement valorisé par rapport au féminin, et cela, même si les rôles ou les statuts varient d’une culture à l’autre. Cette hiérarchie constante ne repose pas sur des données biologiques objectives, mais sur une lecture symbolique et culturelle des différences sexuelles.
Ainsi, la valence différentielle des sexes est un fait anthropologique universel, mais elle n’est en aucun cas une fatalité.
Une construction culturelle de la domination
L’auteur s’attache à démontrer que ce n’est pas la nature qui hiérarchise, mais la culture. Si les différences biologiques entre hommes et femmes existent – par exemple, le fait que seules les femmes peuvent enfanter – ce sont les significations que les sociétés attribuent à ces différences qui construisent une inégalité. Plutôt que de voir dans la maternité une force, les sociétés y ont vu une spécificité à contrôler, à encadrer, parfois à enfermer. « La pensée masculine a toujours voulu s’approprier la capacité féminine à faire naître. »
Ce besoin de contrôle se manifeste à travers de nombreuses institutions sociales : le mariage, la famille, les interdits sexuels, les rôles genrés, les représentations religieuses… Le corps des femmes devient un enjeu symbolique et politique, au cœur de l’ordre social.
Le fondement de toutes les autres hiérarchies
Dans une perspective structuraliste, Françoise Héritier soutient que la différence des sexes est la première grande opposition construite par les sociétés humaines. Elle sert ensuite de modèle à d’autres oppositions hiérarchisées : homme/femme, mais aussi culture/nature, raison/émotion, actif/passif, etc. Cette première inégalité structure profondément la manière dont les sociétés pensent la différence en général.
Autrement dit, la domination des femmes n’est pas un phénomène isolé, mais bien le socle invisible d’un grand système de pensée hiérarchique, qui traverse les cultures et les époques.
Repenser l’égalité sans nier la différence
Le rapport des sexes est le paradigme fondateur de toute pensée de la différence.
Françoise Héritier
Contrairement à certaines approches féministes qui cherchent à effacer les différences entre les sexes pour accéder à l’égalité, Françoise Héritier propose une autre voie. Elle invite à penser la différence sans la hiérarchiser. Selon elle, l’égalité ne signifie pas l’uniformité : il s’agit plutôt de reconnaître la pluralité des expériences et des corps, tout en refusant que ces différences servent de prétexte à une domination.
Un appel à dissoudre la hiérarchie
Dans Masculin/Féminin II, elle appelle à “dissoudre la hiérarchie”. Ce travail commence par une transformation des représentations collectives, une prise de conscience critique des stéréotypes, et une réévaluation de la manière dont nos sociétés perçoivent la féminité et la masculinité.
En définitive, le travail de Françoise Héritier ouvre la voie à une véritable réflexion sur l’égalité. Comprendre cette “valence différentielle des sexes”, c’est prendre conscience d’un héritage culturel profondément enraciné, et c’est aussi se donner les moyens de le dépasser. Son œuvre nous pousse à repenser nos modèles sociaux, nos rapports de genre, et à construire un monde où la différence ne justifie plus la domination.
La liberté au sens de Simone de Beauvoir :
On ne naît pas femme, on le devient.
Simone de Beauvoir
Simone de Beauvoir part d’un constat fondamental : "On ne naît pas femme, on le devient." Par cette formule devenue emblématique, elle affirme que la féminité n’est pas une essence naturelle, mais une construction sociale forgée par l’éducation, la culture et les traditions. Dès l’enfance, la petite fille est orientée vers des comportements d’obéissance, de douceur et de retrait. Là où l’homme est encouragé à agir et à s’affirmer, la femme est incitée à se définir par rapport à l’homme, comme un être relatif, un « Autre ». Elle devient ainsi l’objet de l’histoire, et non son actrice.
L’être humain est fondamentalement libre
Or, pour Simone de Beauvoir, l’être humain est fondamentalement libre. Influencée par Jean-Paul Sartre et la pensée existentialiste, elle défend l’idée que l’existence précède l’essence : chaque individu se construit par ses choix, ses actes, ses engagements. C’est là que réside la tragédie de la condition féminine : empêchée d’exercer pleinement sa liberté, la femme ne peut pas accomplir son humanité. L’égalité devient alors une condition sine qua non de la liberté. Tant que la femme reste économiquement dépendante, enfermée dans des fonctions biologiques ou sociales (maternité, domesticité, conjugalité), elle ne peut prétendre au statut de sujet autonome.
La philosophe ne se contente pas d’un constat : elle appelle à une transformation profonde des rapports entre les sexes. Cela passe par l’accès à l’éducation, au travail, à la maîtrise de la fécondité, mais aussi par une nouvelle vision de l’amour et de la sexualité, libérée de la domination masculine. Elle ne nie pas la différence entre les sexes, mais elle refuse qu’elle soit le prétexte à l’inégalité. Pour elle, les femmes doivent refuser la passivité et s’engager dans un projet de libération, à la fois personnel et collectif.
Enfin, Simone de Beauvoir fait du féminisme une lutte universelle, car l’oppression des femmes touche toutes les sphères de la société. Elle invite à une solidarité des combats, un dépassement des frontières individuelles, pour bâtir un monde dans lequel chaque être humain puisse exister pour soi, dans la dignité et la réciprocité.
Cette liberté est-elle une illusion ?
Pour sortir de l’impasse de la domination la liberté semble ce vers quoi il serait bon de tendre et nous observons aussi combien c’est difficile. Cela passe par l’égalité et la modification des rapports hiérarchiques, la reconnaissance de chacun dans sa singularité et cela nécessiterait un État éthique comme le proposait Hegel. Pour ce dernier, dans la filiation kantienne, l’État rationnel n’est pas une contrainte extérieure, c’est l’outil par lequel la liberté devient réelle. Quand l’individu agit en accord avec les lois justes, il n’obéit pas à une force étrangère, mais à une raison qu’il reconnaît comme sienne. Ainsi, la liberté véritable n’est pas opposée à la loi, elle passe par elle. Toutefois, cela suppose un État éthique et rationnel, pas un pouvoir autoritaire.
Précisément, les dérives autoritaires dont nous sommes contemporains font régresser la qualité d’impartialité des dits États et leur vocation à servir le bien commun et l’intérêt public.
La liberté ne peut pas se marier avec la domination : les apports de Tocqueville
Alexis de Tocqueville, dans De la démocratie en Amérique, a perçu très tôt l’ambivalence des sociétés démocratiques : elles peuvent offrir un cadre d’émancipation inédit, mais aussi engendrer une nouvelle forme de despotisme doux et insidieux. Il met en garde contre un État qui, sous couvert de bienveillance, infantilise ses citoyens, les rendant passifs et dépendants.
"Le despotisme, s’il venait à s’établir parmi les nations démocratiques de nos jours, aurait des caractères différents de celui qui a précédé. [...] Il ressemblerait à une puissance immense et tutélaire [...] qui pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs, conduit leurs principales affaires. [...] Il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les plie et les dirige."
Par ailleurs, la démocratie favorise l’individualisme, c’est-à-dire le repli de chacun sur sa vie privée. Or cet isolement rend les citoyens plus vulnérables au pouvoir central. Trop d’individualisme peut diminuer le lien social qui affaiblit la vie politique et la participation civique, indispensables à la liberté.
Ainsi, pour Tocqueville, la démocratie n'est pas synonyme de liberté si elle ne repose pas sur l'engagement actif des citoyens, la vitalité des associations, la pluralité des voix et l'exercice du jugement personnel. La liberté, en démocratie, est un équilibre fragile à entretenir en permanence.
Il nous rappelle surtout que la démocratie est un horizon toujours à construire, jamais acquis, et que la liberté y est une conquête perpétuelle.
De la stratégie du choc à la résilience et à la réinvention ?
Si la liberté ne peut s’exercer qu’avec un État éthique et rationnel qu’en est-il si celui-ci régresse à un état tyrannique ? Si la démocratie se délite quelle perspective envisager pour sortir du tunnel proposé par les conservateurs populistes ?
Faut-il compter sur une résistance citoyenne ? Une Internationale démocratique version XXeme siècle ?
Comment faire entendre raison à ceux qui ont décidé de s’en détourner pour satisfaire leurs seuls désirs mégalomaniaques ? Aucun discours sur le bien commun n’est audible.
Faut-il baisser les bras ou construire, en toute discrétion, le rhizome du monde à venir, tisser profondément les bases de ce qui pourra advenir, quand bien même l’humanité, n’y survivrait pas, majoritairement. Il restera toujours une poignée et c’est pour elles et eux qu’il est nécessaire de se mobiliser pour co-construire demain, en lucidité et inclusion des différentes contributions.
La stratégie du choc repose sur la sidération
Rappelons-nous, avec Naomie Klein, que la stratégie du choc délibérément instrumentalisée par certains dirigeants, pas que capitalistes, vise à sidérer les citoyens en mixant le choc économique – aujourd’hui aussi démocratique - avec un choc psychologique. Elle soutient que les gouvernements et les élites économiques utilisent des crises (catastrophes naturelles, coups d’État, attentats, guerres, etc.) pour imposer des réformes économiques impopulaires que la population n’accepterait pas en temps normal.
Elle établit un parallèle entre les expériences de torture psychologique (privations, désorientation, isolement) et les politiques économiques de choc : toutes deux visent à "effacer" les repères pour imposer un nouveau système. La violence néolibérale repose sur l’instrumentalisation de la peur. Elle vise à sidérer les peuples pour mieux les contrôler.
Les pistes de dépassement
Parmi les pistes qu’elle propose[1] qui pour le moment, sont toutes balayées par les décisions de Donal Trump et ses équipes, l’une paraît de circonstance : refuser l’état de choc. Elle invite les sociétés à rester vigilantes en période de crise pour ne pas se laisser manipuler par la peur ou la sidération.
Former les citoyens, les journalistes, les militants à repérer les stratégies de choc pour les dénoncer rapidement. Ce qui est clairement en train de se développer en France notamment avec de nombreuses initiatives pour dénoncer les mécanismes des fake news, des complotismes et redonner les bases de la pensée critique[2]. Et c’est d’ailleurs à cela que nous a invité Noam Chomsky toute sa carrière durant.
La liberté est illusoire si elle ne repose pas sur un accès pluraliste, critique et informé à la connaissance. La pensée autonome est la condition de toute émancipation véritable.
Pour rappel que nomme-t-on une démocratie ?
Ce sont les valeurs de base sans lesquelles une démocratie ne peut exister. C’est le régime politique qui garantit la place de chacun dans un pays, avec des droits égaux et la possibilité d’exister, de s’épanouir, de réaliser son projet de vie, en sécurité.
Un rappel sur la définition :
Historiquement née dans la Grèce antique, la démocratie moderne repose sur des fondements théoriques et institutionnels développés aux XVIIIe et XIXe siècles, notamment avec la séparation des pouvoirs (Montesquieu) et le suffrage universel (comme aux États-Unis en 1776).
La démocratie est un système politique dans lequel la souveraineté appartient au peuple, qui l’exerce directement ou par l’intermédiaire de représentants élus.
Le mot vient du grec ancien dēmokratía, signifiant littéralement « pouvoir du peuple », combinant dêmos (« peuple ») et kratos (« pouvoir »).
Elle s’appuie sur des principes fondamentaux :
la participation citoyenne,
la liberté d’expression,
l’égalité devant la loi,
le respect des droits fondamentaux,
et le pluralisme politique.
Elle peut prendre des formes directes (vote des citoyens sur des décisions) ou représentatives (désignation de représentants par élection ou tirage au sort).
Par extension, la démocratie désigne également une forme de société fondée sur le dialogue, le respect des opinions et l’adhésion à des valeurs communes de liberté, de justice et de solidarité.
Souveraineté populaire : le pouvoir appartient au peuple, qui l’exerce directement ou par l’intermédiaire de représentants élus.
État de droit : tout le monde est soumis à la loi, y compris les gouvernants.
Séparation des pouvoirs : le pouvoir est réparti entre les institutions législative (faire la loi), exécutive (l’appliquer) et judiciaire (la faire respecter).
Pluralisme politique : diversité d’opinions, de partis politiques et de médias.
Institutions clés
Elles varient selon les pays, mais on retrouve des structures similaires.
Un parlement : composé d’une ou deux chambres (Assemblée nationale, Sénat…), il vote les lois.
Un gouvernement : il dirige la politique du pays, applique les lois.
Un chef d’État : président (république) ou monarque (monarchie parlementaire), avec des pouvoirs plus ou moins étendus.
Des tribunaux indépendants : ils garantissent les droits et jugent les litiges en toute impartialité.
Des autorités électorales : garantes du bon déroulement des élections.
Droits et libertés garantis
Sans ces droits, une démocratie devient vide de sens.
Liberté d’expression : droit de critiquer, de s’exprimer librement, y compris contre le pouvoir.
Liberté de la presse : médias indépendants du pouvoir politique.
Liberté d’association et de réunion : syndicats, partis politiques, manifestations.
Droit de vote et d’éligibilité : pour tous les citoyens majeurs, sans discrimination.
Égalité devant la loi : peu importe le statut social, le genre, l’origine.
Fonctionnement concret
Une démocratie ne se juge pas seulement sur ses textes, mais aussi sur ses pratiques.
Élections libres, régulières et transparentes : sans fraude, avec plusieurs choix réels.
Alternance politique possible : le pouvoir peut changer pacifiquement.
Participation citoyenne : référendums, consultations, pétitions, débats publics.
Contre-pouvoirs : presse, justice, institutions indépendantes, société civile.
Lutte contre la corruption : transparence, responsabilité des élus, contrôle citoyen.
Indicateurs de santé démocratique
Pour mesurer le niveau réel de démocratie :
Indice de démocratie (The Economist, Freedom House…)
Indice de corruption (Transparency International)
Classement de la liberté de la presse (Reporters sans frontières)
Revenons à notre développement visant à comprendre les rouages de la domination, de la soumission et examinons, à présent les mécanismes de la manipulation.
Noam Chomsky et l’autonomie intellectuelle : penser par soi-même dans un monde conditionné
Noam Chomsky a longuement analysé les mécanismes de manipulation de l’opinion publique à travers les médias dominants. Dans La Fabrication du consentement[1], il explique comment les systèmes démocratiques peuvent produire du consentement manipulé par la sélection de l'information, la répétition, le cadrage idéologique et l'exclusion des voix dissidentes.
L’un des fils rouges de la pensée de Noam Chomsky est son appel constant à l’autonomie intellectuelle, c’est-à-dire la capacité des individus à réfléchir de manière critique, indépendante et lucide, en dehors des récits dominants imposés par les pouvoirs en place. Cette autonomie n’est pas seulement une question morale ou philosophique, elle est une condition essentielle de la liberté et de la démocratie réelle.
Une critique de la passivité intellectuelle
Les intellectuels ont une responsabilité morale : dire la vérité et dénoncer les mensonges.
Noam Chomsky, Responsibility of Intellectuals, 1967
Chomsky s’oppose fermement à la vision selon laquelle les citoyens doivent être des spectateurs passifs de l’information et de la vie politique. Pour lui, les structures de pouvoir - qu’elles soient politiques, médiatiques ou économiques - encouragent une forme de passivité et de conformisme. Il critique notamment les élites intellectuelles, souvent complices du pouvoir, qui participent à la fabrication du consentement plutôt que de le remettre en question.
Démystifier les récits dominants
L’un des actes fondamentaux de l’autonomie intellectuelle est la capacité à identifier les structures idéologiques qui façonnent notre perception du monde. Dans Manufacturing Consent[2], Chomsky montre comment les médias filtrent l’information pour servir les intérêts des puissants. Ainsi, il ne suffit pas de consommer de l’information, il faut l’interroger, l’analyser, la contextualiser. « L’éducation est conçue pour vous conditionner à obéir et à ne pas penser par vous-même. »
Il invite donc chacun à adopter une posture sceptique, à ne jamais accepter une information sans la soumettre à une lecture critique, et à rechercher des sources variées et alternatives.
L’importance de la connaissance et de l’éducation critique
Chomsky défend une vision émancipatrice de l’éducation. Pour lui, l’apprentissage ne doit pas être un conditionnement ou une mémorisation passive, mais un éveil de la pensée. Il s’inspire ici de figures comme Wilhelm von Humboldt, qu’il cite souvent, pour qui l'éducation devait encourager la créativité, la curiosité, et la capacité à remettre en cause l'autorité. « Si vous supposez que rien ne peut être fait, vous garantissez qu’il ne se passera rien. »
Autrement dit, l’inaction intellectuelle est une forme de soumission. Refuser de penser par soi-même revient à abandonner sa liberté à ceux qui parlent plus fort, contrôlent les récits ou imposent leurs intérêts. Ce qui rejoint les préconisation d’Hannah Arendt ou celles de Françoise Héritier.
Une démocratie vivante ne peut exister sans conscience critique
Pour Chomsky, la démocratie ne peut être réduite à des élections périodiques ; elle implique une participation active, informée et critique des citoyens. Cela suppose que les individus aient les moyens — intellectuels, éducatifs, économiques — de comprendre le monde dans lequel ils vivent.
Il s’oppose ainsi à toute forme d’élite technocratique qui prétend savoir mieux que le peuple ce qui est bon pour lui. Il valorise au contraire l’intelligence populaire, collective, et la capacité des gens ordinaires à s’organiser, à résister, à comprendre. Noam Chomsky considère que penser par soi-même est un acte profondément politique. Ce n’est pas seulement une forme de développement personnel, mais un levier de transformation sociale. Dans un monde saturé de propagande, de contrôle de l'information et de manipulation symbolique, l'autonomie intellectuelle est un acte de résistance.
Ensuite, peut-être pouvons-nous nous inspirer de l’exemplarité, facteur mobilisateur par excellence.
La liberté ne se conjugue pas avec la domination, les enseignements de Nelson Mandela
La plus grande gloire dans la vie ne réside pas dans le fait de ne jamais tomber, mais dans le fait de se relever à chaque fois que nous tombons.
Nelson Mandela
Nelson Mandela, après vingt-sept années de captivité, est devenu l’un des symboles les plus puissants de la lutte pour la liberté et la dignité humaine. Son combat politique ne se limitait pas à l’abolition de l’apartheid, mais visait une transformation en profondeur des rapports sociaux. Il écrivait dans Un long chemin vers la liberté[1] : "Être libre, ce n’est pas seulement se débarrasser de ses chaînes, c’est vivre d’une façon qui respecte et renforce la liberté des autres."
Il incarne une pensée politique et humaine fondée sur la justice, l’égalité et la dignité. Son engagement principal a été la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud, un système qu’il a combattu toute sa vie au nom de l’égalité entre tous les êtres humains, quelle que soit leur couleur de peau. Il rejetait toute forme de domination raciale et prônait une société fondée sur les droits de l’homme. Il croyait profondément en la démocratie et en la liberté. Pour lui, chaque citoyen devait pouvoir participer à la vie politique de son pays, dans le respect des principes d’égalité et de liberté. Il affirmait qu’« être libre, ce n’est pas seulement se débarrasser de ses chaînes, c’est vivre d’une façon qui respecte et renforce la liberté des autres ».
Sa pensée est un appel constant à la paix et à la réconciliation. Après 27 années d’emprisonnement, il aurait pu choisir la revanche, mais il a préféré le pardon et l’unité nationale. Selon lui, la paix durable ne pouvait naître que dans la capacité à se réconcilier avec ses anciens ennemis.
"Je ne suis pas vraiment libre si je prive quelqu’un d’autre de sa liberté. L’opprimé et l’oppresseur sont tous deux dépossédés de leur humanité."
Enfin, Nelson Mandela considérait l’éducation comme un levier essentiel de transformation sociale. Il affirmait que « l’éducation est l’arme la plus puissante qu’on puisse utiliser pour changer le monde », soulignant ainsi l’importance d’émanciper les individus par la connaissance.
Ainsi, la pensée de Mandela repose sur des valeurs universelles : justice, liberté, pardon, égalité et responsabilité. Il nous enseigne que la liberté ne peut exister sans la justice, l’égalité, la réciprocité, et une conscience collective des responsabilités partagées. "La liberté ne peut être qu'une réalité partagée."
Le besoin d'émancipation transcende les genres, les cultures, les époques. Mais il ne peut s'accomplir tant que la domination, qu'elle soit masculine, politique ou symbolique, organise nos représentations. La liberté réclame un travail de déconstruction. Elle exige de penser, de refuser l'habitude, d'interroger nos croyances. Elle implique, enfin, de choisir de ne plus subir.
A ces stratégies du choc, répétées, comment réagir ?
A quoi sommes-nous convoqués avec cet épisode brutal de destruction massive des apports des Lumières : qualité de pensée, apports scientifiques, démocratie, respect d’autrui, empathie, prise en compte de la diversité, respect de la biodiversité… ? Une première réponse avec l’article ci-dessous « le choc des ombres » que je commente aujourd’hui en prenant un autre angle.
Pour saisir mon propos, voici la théorie de référence (Spirale Dynamique) : https://open.substack.com/pub/christinemarsan/p/la-spirale-dynamique-un-modele-pour?r=7avo9&utm_campaign=post&utm_medium=web&showWelcomeOnShare=false
Nous avons parcouru dans cet article un périple au pays de la domination. Nous avons vu comment elle est enracinée dans nos inconscients, les manières dont nous nous y soumettons volontairement par confort et paresse, en abandonnant notre esprit critique aux manipulations médiatiques, qui ne sont pas nouvelles. L’histoire politique humaine s’accompagne de manipulations d’informations, aujourd’hui cela a pris une ampleur mondiale à l’heure des réseaux sociaux et d’Internet. A nous de nous adapter.
Nous avons également identifié les ressorts de la liberté et montré qu’elle repose sur nos épaules individuelles pour avoir une chance de se traduire en libertés collectives, qui lorsqu’elles sont garanties par l’Etat, permettent alors de préserver celles, individuelles.
Lucidité et réalisme
Être contemporain de la désintégration d’un modèle est particulièrement angoissant. Un changement majeur de paradigme n’est pas nouveau dans l’histoire des civilisations humaines mais la nôtre, occidentale, s’accompagne d’une extinction massive des espèces et de la biodiversité, ce qui n’est pas nouveau non plus à l’échelle de la planète, mais dont nous accélérons considérablement le processus. Ce qui « naturellement » prend des milliers voire des millions d’années comme les extinctions précédentes, se vit aujourd’hui sur quelques dizaines d’années. Et au moment où nous devrions mutualiser nos efforts pour tenter encore de changer de caps, les décisions de nos gouvernants sont prises de détruire encore plus activement et massivement les océans[1] et les forêts, sources de toute vie. Et les élections américaines de 2025 accentuent encore davantage le phénomène en autorisant partout les extractions et les prédations et en supprimant systématiquement les données scientifiques, les budgets de recherche et en discriminant les étrangers, souvent source d’apports innovants.
Nous pouvons alors sombrer dans l’éco-anxiété et désormais la « démocrato-anxiété[2] » et/ou identifier ce qui nous permet de relever la tête et d’agir.
Et auparavant, revisitons quelques éléments afin, ensuite, d’orienter nos actions.
Les modalités de l’évolution humaine ne sont pas linéaires
Comme mentionné en début d’article, le choc des ombres, j’ai décidé d’utiliser la Spirale Dynamique comme squelette de la réflexion que je porte sur le changement majeur de monde que nous vivons. Ce qui permet de saisir les étapes par lesquelles les individus et l'humanité passent pour suivre le cheminement de l’évolution de la conscience humaine.
Intellectuellement, nous avions pu concevoir cette évolution comme linéaire, mais les cycles du vivant nous rappellent que nous évoluons, tous sur cette planète, d’une autre manière, parfois en spirale, parfois avec des lignes de rupture mais fort rarement de manière linéaire. Les enseignements du Tao sont pour ces aspects plus nuancés et nous rappelle la constante du mouvement[1] permanent du Yin-Yang. Celui-ci est à comprendre non comme deux entités séparées[2] mais bien comme une seule et même « notion » composée de deux caractéristiques, une sorte d’enfant siamois Un et deux à la fois.
Le modèle ci-dessous, créé par Value Match[3], permet d’identifier à la fois plusieurs stratégies de changement et surtout illustre le « creux gamma » qui correspond à la période que nous vivons. A la suite des chocs répétés portés à nos démocraties, à nos libertés et plus largement au vivant, la « descente émotionnelle » est inévitable, comme l’expliquait initialement Elisabeth Kübler-Ross dans sa courbe du deuil. Il nous faut passer par les abysses intérieures[4] afin de toucher l’essentiel, ensuite. Ce creux de la courbe en U correspond également à la Présence largement modélisée par Otto Scharmer avec la Théorie U[5]. Ce qui signifie qu’il est question de descendre d’abord au plus profond de nos ombres[6], pour ensuite, toucher la présence, pour mobiliser l’énergie nécessaire pour ensuite agir autrement et pour manifester les ressorts de notre transformation.
Rebondir du creux “gamma” par la Présence
Aujourd’hui, nous sommes immergés dans ce creux gamma dans lequel nous avons la perception que tout d’effondre, pris par les messages omniprésents des médias autour des annonces de Donald Trump et d’Elon Musk – rappelons-nous les conseils de Noam Chomsky et prenons de la distance avec cette intox informationnelle-. Oui les fondamentaux de notre liberté, de notre démocratie et de nos principes d’égalité sont attaqués frontalement. C’est notre modèle de civilisation qui est confronté et voué à disparaître si nous ne faisons rien pour nous réinventer. Cette brutalité « rouge », au sens de la description de la Spirale Dynamique, est sans doute la perturbation majeure dont nous avions besoin pour évoluer, non pas de manière linéaire, mais bien en spirale, revisitant à chaque fois les creux du U, le bas de la courbe afin de nous réinventer.
C’est justement la force de vie qu’il nous fallait pour manifester « jaune ».
Assumer notre évolution en spirale
S’il y avait un impératif catégorique, pour paraphraser Kant, à manifester aujourd’hui ce serait celui de résister à cette désagrégation tout en étant tout à fait conscient de notre passé. Les actes historiques de nos différents pays[1] occidentaux rendent nos valeurs totalement hors-sol. Comment évoquer et promouvoir nos trois valeurs cardinales, je prends celles de la France : liberté, égalité, fraternité, lorsque nos comportements ne leur correspondent pas ?
C’est d’ailleurs ce que le wokisme a cherché à pointer. Mais nous n’étions pas prêts à l’entendre et comme déjà mentionné, car tout est dans la manière de rendre visible l’inacceptable.
Nommer les ombres est d’une extrême violence, à l’instar des tabous, car si nous n’y avons pas accès c’est parce que notre système psychique nous protège, nous ne sommes pas prêts à les voir, les reconnaître et à les transformer. Ce qui est valable pour un individu l’est aussi pour une société avec le facteur de complexité aggravant du nombre de personnes et des interactions systémiques des acteurs du groupe social face aux remous créés.
Comment mentionner les ombres collectives ?
Mentionner collectivement les ombres sociales ne peut se faire qu’avec l’assentiment des personnes concernées. C’est tout le talent qu’a eu Nelson Mandela pour travailler en Afrique du Sud sur l’apartheid. Il était légitime, de par le chemin de souffrance (incarcération de plus de 27 ans) et d’engagement qu’il avait vécu, et parce qu’il avait fait la démonstration de son envie de « recoudre le tissu déchiré du monde, au moins de son pays[2] », et non de succomber à la vengeance. Son attitude exemplaire et exceptionnelle a créé les conditions de la confiance collective pour que la majorité s’engage dans le processus de transformation[3].
Lorsque cela n’est pas fait à l’échelle d’une société, le fait de « dénoncer » en format « lanceur d’alerte » peut se comprendre pour rendre attentif à des zones aveugles de nos représentations, comme celle de la domination masculine mentionnée par Philippe Bourdieu, mais cela suscite des réactions virulentes. Le processus de domination est une structure tellement ancrée et inconsciente que la mettre en exergue crée des réactions violentes en proportion des actes commis, refoulés.
Car, ce qui rend l’exercice complexe dès lors qu’il est question d’un sujet touchant de nombreux citoyens c’est que cela remue nos boues intérieures et nous ne sommes ni prêts ni volontaires. C’est ainsi l’impact de #Metoo par exemple. Si l’on veut pointer des comportements qui portent préjudice à des parties de la population, surtout si elles sont dominantes, comment faire pour ne pas dénoncer et percuter les ombres collectives et, par conséquent, réveiller les réactions contraires, comme celles de Donald Trump ou d’Elon Musk ?
Il n’est pas question de baisser les bras mais plutôt de trouver les modalités d’une thérapie collective délibérée. Montrer le chemin par l’exemple. Ceci sans tomber dans les excès dogmatiques des communismes du XXeme siècle.
L’évolution n’est pas linéaire
Nous avons voulu évoluer de manière linéaire, avec un idéal « vert » pour reprendre la nomenclature de la Spirale Dynamique, sans tenir compte de nos irrésolus, de nos ombres. Et que ce soit individuellement ou collectivement, nous avons à faire œuvre de nettoyage et de résolution.[1] Depuis le milieu du XXème siècle avec la démocratisation de la psychanalyse, puis de la thérapie et du développement personnel – même si celui-ci s’est bien dégradé et est tombé dans la consommation de mieux-être et pas toujours de la transformation profonde – le travail intérieur est massivement engagé. Il ne reste plus qu’à le sortir de l’ornière consumériste et individualiste « ombres de l’orange » pour réussir à mener cette entreprise collectivement.
Le nettoyage de nos ombres collectives est ce qu’a initié, notamment, le wokisme à la suite du féminisme, en s’attaquant à toute forme d’injustice sociale et d’inégalité en partant des manières de traiter les femmes et les personnes non-blanches, puis s’est attelé au colonialisme, suivant en cela les prescriptions aussi bien de Simone de Beauvoir que de Françoise Héritier. Nous pourrions remonter aux guerres de religion, à l’Inquisition, à la chasse aux sorcières[2] et à toutes les atrocités que nous avons vécues ou fait vivre, personne n’étant juste victime ou bourreau. Notre mémoire collective porte tout cela et ce sont de ces fardeaux dont il est question de nous départir.
Reprenons. Avec le temps, la tentative de mentionner ces héritages violents a dérivé, à la fois, en attaquant de front les ombres et aussi et surtout parce que, partis du désir de sortir des violences, en les dénonçant, sans précaution, cela transforme l’activisme en militantisme offensif. Celui-ci discrédite, d’une part, ses auteurs et, d’autre part, ravive l’ombre du « rouge » incarnée récemment par Donald Trump, Elon Musk et les autres conservatistes populistes. Ce qui exacerbe la force avec un masculinisme primaire, une force brutale en proportion de la pulsion réveillée. Une sorte de retour du refoulé collectif[3].
Une voie de sortie ?
Pratiquer la non-violence, un chemin exigeant vers la paix
Sans doute, pourrions-nous nous inspirer de Marshal Rosenberg, sur la manière de dire ce qui est difficile grâce à la communication bienveillante, importante, voire essentielle pour nommer puis résoudre les différends. Également Gandhi, avec ses méthodes de non-violence, trace la voie d’une paix à co-construire, sans manifester à notre tour la violence pour dénoncer les oppressions. Ce sont d’ailleurs deux acteurs majeurs de la non-violence sociale.
Le processus de non-violence de Gandhi : une révolution éthique et politique
La force ne vient pas de la capacité physique, elle vient d’une volonté indomptable.
Mahtama Gandhi
Le processus de non-violence mis en œuvre par Mahatma Gandhi, connu sous le nom de Satyagraha – littéralement "force de la vérité" – constitue l’un des mouvements les plus puissants et novateurs du XXe siècle. Fondé sur des principes spirituels, moraux et politiques, ce mouvement a profondément transformé la lutte pour l’indépendance de l’Inde et inspiré de nombreux combats pour les droits civiques à travers le monde.
Cette démarche repose sur le principe fondateur d’Ahimsa (non-violence), que Gandhi considérait non pas comme une absence de conflit, mais comme une force active, empreinte d’amour et de courage. Pour lui, « la non-violence est l’arme des forts ». Il rejetait fermement la violence, convaincu que seule la compassion permet de désarmer l’adversaire et de créer un avenir plus juste.
Le respect de la vérité (Satya) était également fondamental. Gandhi affirmait que seule la recherche sincère de la vérité pouvait légitimer un combat : la justice ne pouvait émerger que d’un engagement moral profond. Ainsi, ses actions – grèves, boycotts, désobéissance civile – étaient toujours guidées par une éthique de la transparence, de la dignité et du respect de l’autre.
Le Satyagraha se distinguait par sa nature de résistance passive mais déterminée, mobilisant des millions de personnes. La célèbre Marche du Sel de 1930 incarne cette philosophie : une action symbolique, non-violente, menée avec calme face à l’arbitraire du pouvoir colonial britannique.
Gandhi prônait aussi l’autonomie économique (Swadeshi), invitant les Indiens à consommer des produits locaux et à tisser eux-mêmes leurs vêtements, refusant ainsi l’asservissement économique imposé par l’Empire.
Par sa capacité à mobiliser des masses issues de tous les milieux, Gandhi transforma une simple contestation politique en un mouvement collectif de régénération intérieure et sociale. La force du Satyagraha tenait à son exigence : une discipline morale, une lucidité sur les enjeux, et un engagement sincère dans une action juste.
On pourrait croire que face à la manifestation de force outrancière de Trump et ses acolytes la démarche de Satyagraha est naïve, toutefois, ce serait sans compter la force qui animait Gandhi. Elle s’appuyait à la fois sur un ancrage spirituel essentiel et aussi sur sa lucidité et son discernement. Il a su mobiliser différentes tactiques sans jamais lâcher sa stratégie de non-violence de vue. C’est la déformation pusillanime et dépourvue d’ancrage « ombre du vert » qui a ramolli l’engagement et la puissance de l’efficacité.
Gandhi incarne des valeurs « turquoise » avec une puissance « rouge saine ». Il a su articuler différents niveaux : spiritualité, géopolitique, stratégie nationale et internationale, propositions concrètes de transformation sociétales. Ce qui manque ce n’est la force d’un seul, mais qu’elle soit partagée par le plus grand nombre. En effet, coupée des ancrages à la Source (à comprendre à la fois comme la puissance du vivant et celle d’une Source spirituelle, pour ceux qui y croient) et d’une éthique sans faille qui ne tient qu’avec le dépassement des tentations de l’égo (pouvoir, cupidité, besoin de reconnaissance...), la mobilisation du peuple est temporaire. L’histoire démontre de la chute des engagements à la mort des leaders charismatiques de Jésus, à Gandhi en passant par Martin Luther-King ou Mandela. Leur vision inspirante transporte, leur exemplarité motive à les suivre, mais sans transformation individuelle, l’élan collectif s’essouffle.
C’est là qu’entre en jeu les principes de Jung.
L’actualité de Jung comme détenteur de modalités de transformations pratiques
Chacun porte une ombre, et plus elle est refoulée dans l’inconscient,
plus elle est noire et dense. Carl Gustav Jung
Nous voyons depuis quelques décennies un engouement pour les travaux de Carl G. Jung et tout récemment pour celui du shadow work[1], preuve que la conscience collective recherche les pistes qui lui permettent de trouver des voies de transmutation.
S’intéresser au processus d’alchimie individuelle et collective que propose Jung revient à s’équiper des moyens pour parcourir le chemin d’individuation. Individuation qui n’est pas autre chose que d’assumer la totalité de notre être, nos ombres comme nos lumières, et réaliser une complétude qui seule permet une contribution vaste et pleine au monde. Ce qui signifie ne pas l’alourdir du fardeau de notre histoire et de nos blessures. Concurremment nous prenons chaque jour davantage conscience de notre inscription au sein du vivant et non plus comme sujet observant de l’extérieur la chose nature. Ce faisant nous redécouvrons l’interdépendance des éléments et comprenons alors que plus nous nous défaisons de nos ombres et plus nous portons une autre qualité d’être au monde et participons alors à sa mutation positive.
Décider collectivement, sans tomber dans les travers marxistes et collectivistes du XXème siècle, de travailler avec nos ombres constitue un prérequis à la gouvernance d’un gouvernement mondial, mature et éthique.
Aujourd’hui, nous voyons que nous en sommes très éloignés, nos démocraties sont bien malmenées et nous les pensons moribondes.
Nous pouvons aussi voir dans notre époque et son creux gamma, l’opportunité spectaculaire du rebond. Alors, mettons-nous en marche pour manifester une résilience collective, effective.
Et si le défi résidait « tout simplement » dans le fait d’incarner nos idées ?
C’est ce que je fais qui m’apprend ce que je cherche.
Soulages
Le temps n’est plus aux seules idées, en quelques deux mille cinq ans, nous en avons suffisamment produit pour forger aujourd’hui et demain. Le grand et seul défi réside désormais à incarner les transformations auxquelles nous pensons.
Ce qui, toujours en suivant la Spirale Dynamique, se traduit par manifester le niveau « jaune » que je considère comme le dernier de la première spirale d’évolution de l’être humain (Sapiens 1 pour reprendre les termes de Saïd E. Dawlabani) qui va, en conscience, affronter toutes les ombres de chacun des niveaux, pallier les manques et compenser les dérives des stades précédents. Le travail est gigantesque, mais c’est à ce prix que nous pourrons incarner les valeurs qui nous permettront d’être en lien avec le vivant, non pas comme un xième slogan marketing, mais bien comme la manifestation de notre capacité à changer de niveau et à passer en « turquoise ». Ce qui signifie être connecté au vivant, à Gaïa et en capacité de suivre sa guidance pour la protéger et non plus poursuivre les actions de prédation que nous menons aujourd’hui.
Le défi : incarner l’espèce la plus évoluée de la planète
C’est en cela que nous pourrons incarner l’espèce la plus évoluée de la planète (c’est notre auto-diagnostic en grande méconnaissance des autres règnes et de leurs enseignements), car nous saurons nous réguler, sans frustration, limiter les naissances sans tomber dans des dogmes religieux qui étaient valables à une autre période de notre évolution. Nous n’aurons plus besoin de plantes et substances hallucinogènes pour communier avec le vivant, nous serons intrinsèquement reliés. Nous sentirons comme une déchirure profonde à chaque fois qu’un être humain est malmené ou trahi, qu’une carrière est creusée, dévastant les entailles de la Terre ou lorsque nous coupons un arbre pour construire une maison ou assassinons une baleine ou un éléphant. Nous sentirons dans notre chair profondément la brisure profonde que cette maltraitance du vivant peut causer à tous les règnes et saisirons les effets systémiques de ces violences[1]. Nous saisirons enfin ce que chaque spiritualité nous invite à goûter à savoir que nous sommes Un avec l’incarnation, fondus dans les vibrations de la nature.
Nous aurons juste à incarner l’interdépendance. Et pour cela nous avons besoin de modifier de manière substantielle notre niveau de conscience.
Peut-être arriverons à toucher la berge de nos utopies ?
Nous pourrons regarder notre humanité de manière globale et saisir que les concepts intellectuels nous ont hissés vers l’horizon de la berge à atteindre et désormais il reste à mener le profond travail intérieur et avec le vivant, comme s’y emploie le Travail qui relie ou les Bains de forêt, par exemple, où nous retisserons les fils subtils avec le visible et l’invisible. Alors, nous pourrons atteindre la berge souhaitée, la Terre promise du Livre qui a guidé nos pas pendant plus de deux mille ans. Les promesses d’Eden ne sont pas des vues de l’esprit mais l’invitation à faire UN avec la Vie, la Nature. Pas uniquement par l’intermédiaire des exégèses ni des ascèses mais bien par le travail exigeant des transformations intérieures.
On ne s’illumine pas en imaginant des figures de lumière, mais en rendant l’obscurité consciente.
Carl G. Jung
Alors, retroussons nos manches et réalisons ce qui reste à parcourir, traversons le désert de nos nuits mystiques, les 40 ans mentionnés dans les deux Testaments sont allégoriques. Il nous faut accélérer nos transmutations intérieures pour réussir le changement au niveau du calendrier de la planète. Et là, les années sont comptées.
Notre folie de prédation et de consommation réduit chaque année l’échéance. Et l’arrivée au pouvoir de tyrans, démontrant au grand jour les entrailles de notre psychopathologie individuelle et collective nous enjoignent, comme un coup de pied au derrière, à sortir de la démocratie molle, décrite par Toqueville, pour nous réveiller et poursuivre le chemin vers l’autonomie.
Nous n’avons plus le temps du déni ou de la sidération. Les alliances pour des actions écologiques sont engagées, désormais il faut une « Internationale » de transmutation radicale. Ce qui auparavant était réservé à l’intime de chacun devient un extime d’engagement au service du vivant. En notre âme et conscience, cet engagement de profonde métamorphose doit devenir un programme global de résolution des ombres individuelles et collectives. Un programme politique qui commence par chacun. Et il y a urgence.
Yin et Yang conjugués, ensemble pour notre transformation
Nous avons beaucoup manifesté le Yang comme une flèche tendue des concepts vers des idéaux, vers des utopies. A présent, il nous faut mettre autant d’énergie dans le Yin et descendre dans nos profondeurs individuelles et collectives et réaliser le travail alchimique de transmutation des ombres, et vite.
D’aucuns ont été étonnés qu’il n’y ait pas davantage de transformations de comportements pour manifester les transitions (écologique, économique et sociale). Tant que nous n’aurons pas profondément changé intérieurement et que nous n’aurons pas saisi dans notre chair notre intime connivence vibrante avec la nature - car c’est ce que nous sommes, une composante de cette merveille vivante- tant que nous ne vibrerons pas profondément à l’unisson avec le vivant nous ne réussirons pas à manifester ce qu’il faut pour réaliser les changements nécessaires.
L’empathie : l’indicateur de maturité individuelle, collective et démocratique
« La faiblesse fondamentale de la civilisation occidentale est l’empathie. » Elon Musk
« La mort de l’empathie humaine est l’un des premiers signes et le plus révélateur d’une culture sur le point de sombrer dans la barbarie. » Hannah Arendt
Nous pouvons nous appuyer sur l’étayage sain des étapes de notre évolution
J’ai évoqué les ombres[2] en parcourant les différents niveaux de la Spirale Dynamique, examinons à présent quelques éléments lumineux et soutenant pour la transition. La bonne nouvelle c’est que les étapes précédentes de l’humanité nous ont donné l’étayage nécessaire pour manifester la suite.
Le cadre sécurisant de la fraternité « violette » avec les familles de sang et de cœur (communautés et affiliations) a favorisé les appartenances nécessaires permettant de manifester une force fondamentale de conquête et d’exploration comme d’affirmation de notre force de vie « rouge », pour ensuite construire un socle fédérateur « bleu » qui institutionnalise le corps social. Puis, les idées de liberté et de démocratie ont jailli dans « l’orange » sain pour permettre au vert de renouer avec les élans de coopération, de communauté, d’écologie et de spiritualité. Alors, « jaune » peut embrasser de manière systémique des problèmes comme la résolution des ombres précédentes pour favoriser le passage à la deuxième spirale de l’évolution de l’humanité que Saïd E. Dawlabani nomme Second Sapiens[3].
Nous serons alors prêts à créer une gouvernance mondiale avec les non-humains car nous aurons acquis les compétences pour les comprendre. Les peuples premiers savent communiquer avec tous les règnes et nous avons perdu cette capacité. Il nous suffit de la retrouver et d’allier toutes nos ressources cognitives, émotionnelles et sociales. Ce qui nous permettra de prendre les bonnes décisions en accord avec Gaïa et ses communautés vivantes.
C’est exactement l’ambition d’Humanité 3.0.[4] : créer les conditions de profonde transmutation, au travers d’un cursus et d’un laboratoire de recherche-action, développant les capacités dont nous avons besoin pour effectuer le saut de conscience.
Maturité et incarnation des valeurs
Le défi c’est de ne pas retomber dans l’institutionnalisation du processus et le dogmatisme idéologique enfermant et sectaire pour faire changer de niveau de conscience. Cela pourrait tout simplement figurer dans les programmes scolaires, les écoles qui s’y sont risqué (Montessori, Steiner, pour ne mentionner que les plus célèbres)[1] ont contribué à éduquer des adultes matures et conscients qui apportent d’autres solutions au monde.
C’est avec lucidité que nous pouvons accepter la possibilité de ne pas réussir la bifurcation, accélérée par les dirigeants populistes et libertaires, car leur destruction est si massive, brutale et rapide que la voie la plus probable est notre destruction. Toutefois, même si nos élans transformateurs peuvent mettre davantage de temps à se manifester, comprenant les enjeux et mesurant véritablement l’urgence des changements requis, nous pouvons, aussi, nous atteler avec passion et ardeur, aux chantiers de nettoyages et de résolutions de nos mémoires individuelles et collectives.
Alors, accélérons le processus de transmutation car le niveau « vert » a fait exploser les possibilités de transformation. Il n’y a plus qu’à agir.
Arrêtons de cliver les sujets, les défis actuels sont au-delà des partis pris idéologiques : le climat, la survie des espèces, la protection de la biodiversité, la pauvreté, la santé, etc, sont des sujets transverses. Il est temps de réformer la politique avec empathie, éthique, démocratie saine et forte. Et cela commence par nos métamorphoses intérieures. Prêts ? Prêtes ? Chiche !
En avant pour « l’éthicocratie » !
Christine Marsan, 26 mars 2025.
[1] http://observatoire-reussite-educative.fr/thematiques/bien-etre-sante/initiatives-projets/le-printemps-de-leducation-1
[1] Laurent Testot, Cataclysmes, opus cité.
[2] https://christinemarsan.substack.com/p/le-choc-des-ombres-le-choc-des-titans
[3] Je ne place pas le seuil de la deuxième spirale au même endroit que Graves ou Dawlabani car pour moi, « jaune » doit finaliser le travail de résolution du premier niveau de la spirale pour poser les conditions d’un monde vibrant avec Gaïa. Saï E. Dawlabani, Second Sapiens : The Rise of the Planetary Mind and The Future of Humanity, Paperback, 2025.
[4] https://www.altercoop.org/humanite-3-0/ Nous y reviendrons dans un prochain article.
[1] Le « shadow work », expression qui désigne un « travail personnel visant à ne plus fuir nos facettes sombres, mais plutôt à leur faire face et à les comprendre.
[1] https://petitions.bloomassociation.org/fr
[2] Néologisme que j’ai inventé pour énoncer l’anxiété liée à la perte de nos démocraties.
[1] Nelson Mandela, Un long chemin vers la liberté, Le Livre de Poche, 1996.
[1] Edward S. Herman et Noam Chomsky (trad. de l'anglais), La fabrication du consentement : de la propagande médiatique en démocratie, Marseille, Agone, 2008.
[2] Ibid.
[1] L’essentiel de ces pistes sont déjà initiées dans de nombreux pays.
Revaloriser la démocratie réelle : Naomi Klein appelle à reprendre le contrôle collectif sur les décisions économiques et sociales, en s’opposant aux réformes imposées sans débat démocratique, souvent dans des moments de vulnérabilité collective. Restaurer la souveraineté populaire face aux élites économiques.
Développer une résilience locale et solidaire : elle soutient les initiatives locales, autogérées, écologiquement responsables comme rempart contre les logiques de privatisation et de déracinement social. Exemples : monnaies locales, coopératives, agriculture urbaine, réseaux d'entraide
Construire une autre mondialisation : elle ne rejette pas toute forme de mondialisation, mais critique sa version néolibérale. Elle milite pour une mondialisation fondée sur la solidarité, les droits humains, la justice climatique. Inspirée par les mouvements altermondialistes (ex: Forum social mondial).
Rompre avec le fondamentalisme du marché : elle plaide pour une économie régulée, dans laquelle l’État joue un rôle actif pour protéger les biens communs (eau, santé, éducation…), Lutter contre les inégalités, Favoriser la transition écologique. Pas de capitalisme sans limites, ni sans protection sociale.
Mobilisation citoyenne et mouvements sociaux : Naomi Klein croit à la mobilisation collective pour faire contrepoids aux logiques de choc. Elle s’appuie sur les syndicats, les mouvements écologistes, les luttes indigènes et féministes, les mobilisations étudiantes. Elle appelle à une marée de résistances face au capitalisme autoritaire.
Dans « Tout peut changer » Naomie Klein approfondit ses pistes d’action : Investir massivement dans les énergies renouvelables, Sortir des logiques extractivistes, Remettre l'économie au service du vivant, Combiner justice sociale + justice climatique.
[1] L'expérience de Milgram, devient largement connue à partir de 1963. L’expérimentateur qui représente l'autorité demande à un sujet de faire réciter des mots à un élève et si celui-ci se trompe à lui infliger des chocs électriques de plus en plus forts à chaque erreur. L'élève est en fait un acteur qui simule d'être électrocuté. Selon les cas, des participants continuent à infliger les chocs jusqu'au maximum prévu (450 V) en dépit des plaintes de l'acteur (62,5 % des participants lors des premières expériences de Milgram), obéissant aux ordres donnés par l'expérimentateur, tandis que d'autres refusent de se soumettre à l'autorité. https://fr.wikipedia.org/wiki/Stanley_Milgram
[2] Pour les détails : https://fr.wikipedia.org/wiki/Expérience_de_Stanford
[1] https://www.pasteur.fr/fr/journal-recherche/actualites/lecons-crise-covid-agir-tot-identifier-vite-surveiller-impact-mieux-proteger ; https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/de-cause-a-effets-le-magazine-de-l-environnement/2020-2025-quelles-lecons-a-t-on-tirees-du-covid-19-5410470 ; https://www.lemonde.fr/societe/live/2025/02/26/en-direct-covid-19-cinq-ans-de-l-epidemie-l-enquete-de-la-cjr-revele-les-nombreux-dysfonctionnements-qui-ont-entache-la-gestion-de-cette-crise_6564745_3224.html
[2] Harmunt Rosa, Résonance. Une sociologie de la relation au monde 2016.
[1] Nous voyons combien la domination masculine mentionnée par Philippe Bourdieu revient ici, comme une évidence, encore une fois répétée.
[1] Machiavel, Le Prince, trad. par V. Périès, postface de Joël Gayraud, Paris, Mille et une nuits, 2003.
[1] Etienne de la Boétie, Discours de la servitude volontaire, Éditions Mille et une Nuits, 1997.
[2] Guiliano da Empoli, Les ingénieurs du chaos, Folio, 2023.
[1] "Bourdieu met l'accent sur l'idée de l'incorporation inconsciente de déterminations collectives, avec cette idée que plus cette incorporation se fait dans les corps des personnes, plus l'action de ces déterminations sera efficace, explique Nathalie Heinich. Ce qui est efficace, c'est d'avoir incorporé ses habitudes d'une façon telle qu'on ne s'en rend plus compte. La pensée critique de Bourdieu montre que, contrairement à ce que pensent spontanément les gens, on n'est pas agi par des déterminations personnelles, subjectives, mais par des déterminations collectives et cachées qui s'inscrivent dans le corps. Et c'est ça, l'habitus.", https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-chemins-de-la-philosophie/la-force-de-l-habitude-4-4-la-notion-d-habitus-chez-bourdieu-4127830
[2] https://www.lejdd.fr/culture/jo-paris-2024-plusieurs-pays-ont-censure-la-ceremonie-douverture-jugee-trop-osee-147983 La censure aux Etats-Unis est antérieure à l’élection de Donald Trump et a bien contribué à alimenter son discours.
[3] Entrait de Sigmund Freud, Totem et tabou, Petite Bibliothèque Payot, 1913: « Le châtiment pour la violation d’un tabou était considéré primitivement comme se déclenchant automatiquement, en vertu d’une nécessité interne. Le tabou violé se venge tout seul. Quand des représentations de démons et de dieux, avec lesquels le tabou est mis en rapport, commencent à se former, on attend de la puissance de la divinité un châtiment automatique. Dans d’autres cas, à la suite probablement d’un développement ultérieur de la notion, c’est la société qui se charge de punir l’audacieux dont la faute met en danger ses semblables. C’est ainsi que le système de l’humanité, dans ses formes les plus primitives, se rattache au tabou. »
[1] Parcours mentionné dans plusieurs de mes ouvrages : En quoi le mal nous rend plus humain, L’Harmattan, 2001-2003, L’imaginaire du 11 septembre, Des cendres émerge un nouveau monde, Camion Noir, 2002-2012 ; Entrer dans un monde de coopération. Une néo-RenaiSens, 2013, Délicate Transition, Acatl, 2017.
[2] Et je ne mentionne que quelques épisodes de l’histoire de France, il faudrait rajouter les évènements européens, ceux des guerres, des colonies et puis largement les évènements marquants dans tous les pays, ceci d’autant qu’aujourd’hui les pays occidentaux sont multiculturels, donc multi-identités et aux histoires inter-mêlées.
[3] Le retour du refoulé est un concept central en psychanalyse, introduit par Sigmund Freud. Il désigne le processus par lequel des désirs, pensées ou souvenirs inconscients — qui ont été refoulés (c’est-à-dire écartés de la conscience parce qu’ils sont jugés inacceptables ou menaçants) — reviennent de manière déguisée dans la conscience ou dans le comportement.
[1] Tous les pays ont un passé qui mériterait d’être revisité, toutefois c’est l’Occident qui a imposé ses valeurs au monde entier. Il est donc normal qu’il y ait « confrontation » avec ses principes fondateurs s’ils ne sont pas incarnés.
[2] Au sens d’Abdennour Bidar, Les tisserands, Les Lien qui Libèrent, 2023.
[3] Nous voyons aujourd’hui combien d’avancées sociales vers la paix connaissent un net recul, ce qui nous rend humbles et circonspects sur les acquis des libertés. https://www.universalis.fr/encyclopedie/apartheid/6-le-demantelement-de-l-apartheid/
[1] C. Marsan, Réussir le changement, Comment sortir des blocages individuels et collectifs, DeBoeck, 2008.
[2] Voir à ce sujet les travaux de Cyrille Javary et notamment, Yin-Yang, la dynamique du monde, Albin Michel, 2018.
[3] Cabinet dispensant les méthodes de la Spirale Dynamique :
https://www.valuematch.net
[4] Ce qui correspond à l’œuvre au noir, au sens de l’alchimie. https://christinemarsan.substack.com/p/lalchimie-comme-processus-de-transformation
https://ottoscharmer.com
; https://www.souffledor.fr/intelligence-collective/1919-theorie-u-l-essentiel-9782364291218.html
[6] Au sens du travail alchimique, l’œuvre au noir et au processus d’individuation de Car G. Jung.
[1] Pierre Bourdieu, La domination masculine, Seuil, 1998.
[2] Laurent Testot, Cataclysmes, Petite Bibliothèque Payot, 2017.
[3] Le terme anglo-américain woke (« éveillé ») désigne initialement le fait d'être conscient des problèmes liés à la justice sociale et à l'égalité raciale (en). Source Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Woke
Autre commentaire ... qui pourrait faire hurler les sociologues, mais il faut arriver à se comprendre....
Nous avons la chance d'avoir un secteur qui fonctionne à peu près : c'est le domaine de l'aviation. J'ai travaillé avec Eurocontrol.
Par définition un avion passe d'un pays à un autre. Chaque pays a ses règles, mais si on multiplie les règles, on est sûr de créer des confusions, des erreurs et des accidents.
EuroControl a été chargée de créer des règles d'aviation qui adaptent les règles locales aux règles communes. Il a donc été créé un logiciel spécial, aidant à structurer les sujets et aider à mettre en évidence les écarts entre les textes locaux et les textes d'intégration, puis accompagner le juridique local, pour qu'il intègre le milieu aérien.
Cet outil a été repris par la NASA pour faire le même travail sur son domaine de surveillance.
Résultat... qui peut faire hurler les sociologues. Les ingénieurs qui travaillent à EuroControl utilisent l'expression "d'organisation sans chef".
Pour un sociologue, un bateau sans chef, un village sans chef, ca n'existe pas. Nous sommes d'accord, mais les problèmes climatiques ou les problèmes d'épuisement des ressources dépassent la capacité du cerveau...
Exemple d'organisation avec Chef : Mao a vécu un début de famine où les oiseaux mangeaient les maigres récoltes des paysans (dont on avait cassé les habitudes).
Décision de chef : "il faut que ce soit simple" > "tuez tous les oiseaux".
L'année suivante, le pays a été envahi d'insectes, ce qui a créé une des plus fortes famines de tous les temps. CQFD (ce qu'il fallait démontrer. La vie ne marche pas avec des neurones, mais avec d'autres moteurs à homéostasie =équilibre dynamique).
Moralité : il est important de bien distinguer différents domaines et ne surtout pas jouer "au chef" qui veut tout contrôler. Le problème du chef est d'être obéi. Le problème des ingénieurs, c'est de résoudre les problèmes. Ce n'est pas du tout la même chose. Par exemple, quand il y a un incident, les enquêteurs d'EuroControl se précipitent sur le lieu avant la justice. Pourquoi ? parce que le pb des ingénieurs est de trouver l'astuce qui permettra d'éviter la reproduction de l'incident. Le problème de la justice est de trouver des coupables. Ceci influe considérablement les comportements. je vous laisse imaginer !
A noter que parmi les chefs, on a fabriqué des "chefs joueurs d'Excel"... La formation des écoles de commerce veut tout ramener à des lignes et des colonnes. On ne peut pas représenter la vie, ni avec une seule dimension (la bottom line d'un calcul arithmétique), ni avec un tableau. la vie est multi hiérarchique (et quantique).
Application : quand, étudiant, je demandais à des ingénieurs l'impact des coûts sur le design des avions ; la réponse était : "le coût, on s'en fout. Ce qui compte, c'est la sécurité").
Cherchez sur Internet pourquoi Boing a des ennuis... Victimes des chefs avec Excel,
Demandez pourquoi les hôpitaux déclenchent des "plans blancs" ; il se trouve qu'un de mes collègues travaillait dans la fin des années 70 sur les budgets médicaux. Le problème à résoudre était : "A l'époque, chaque fois qu'un médecin s'installait, ca coutait un million de francs en plus par an". Pourquoi, parce qu'un médecin prescrit de revoir son patient. Bonjour le tonneau des danaïdes.
Solution mise en place : limiter le nombre de médecins formés. On voit le résultat. Les anticipations ne sont pas faciles à gérer...
Problème curieux : tout ce qui se passe dans notre corps quand nous dormons à une valeur et une conscience nulle. Quand nous dormons, le corps se répare.
La réparation, la bonne santé et d'une façon générale ce que certains appellent le "contributif", ne peut pas se gérer en logique marchande.
Par contre, on peut inventer de nouvelles logiques dynamiques qui aident à faire monter en conscience "ce qui compte vraiment".
Ce message complète et illustre le message précédent, que vous devriez trouver ci après.
Cordialement
Claude PERIGAUD
Tout d'abord merci pour ce post bien construit et documenté.
En lisant je vois les ponts avec l'approche complémentaire que j'ai vécue.
- découvrir les notions de pilotage système
- partir du fonctionnement des neurones
- et s'apercevoir à quel point, nos habitudes amplifient les défauts neuronaux, au lieu de chercher à les compenser et ne pas les déclencher
- la fragilité des neurones est particulièrement utilisée pour nous manipuler. En particulier l'univers financier et comptable amplifie les comportements débouchant sur des conflits.
La bonne nouvelle, c'est que nous avons expérimenté en Ecole d'insertion des outils, techniques et méthodes de valorisation allant jusqu'à la création de capital. Ces outils "interdisent" la polarisation sur un prix (ou une valeur). Systématiquement, nous avons travaillé en 2D 'fond et forme) ou 3D (environnemental, social, économique). Résultat inattendu : non seulement les comportements étaient coopératifs, mais un enthousiasme extrêmement étonnant s'est développé.
Donc, nous sommes allés voir Bercy PME avec les résultats et les modélisations qui vont jusqu'au désendettement de l'Etat. Réponse : "on ne peut être que d'accord pour continuer, les expériences, mais il faut le OK économique". OK pour quoi : OK pour accepter la valorisation de l'apport-travail construit avec de l'information "solide". Ceci est le terme utilisé par Schrödinger dans son livre "qu'est-ce que la vie". Cette approche se marie naturellement avec nos études préliminaires qui consistaient à dire : "en économie, rien n'est continu, mais les outils utilisés par les économistes sont continus". Les statistiques peuvent être considérées comme continues, mais problème, piloter avec les statistiques, c'est piloter avec les yeux dans le rétroviseur. Ce qui est une aberration dans notre monde rapide. Personne ne dit et redit que les règles comptables ont été créées au Moyen Age. Depuis, la vitesse de transmission est juste 36 millions de fois plus rapide (fibre optique / cheval).
Le pilotage économique utilise des outils de pilotage en position (juste des mesures qu'on veut justes), alors qu'on sait depuis les années 90, qu'on ne peut pas piloter un système complexe en position. Il faut passer au pilotage en vitesse (utiliser les fonctions). Qui plus est, il faut passer en Fuzzy logic ou logique dynamique floue que nous pratiquons naturellement sur un vélo : nous corrigeons dynamiquement.
Ces bases vont très loin. Je ne vais pas développer ici. L'important est de comprendre l'importance de l'accompagnement et de la valorisation de l'accompagnement .. qui à la fin doit se retrouver dans la valorisation de l'apport- travail.
Notion qui a existé en mai 1949 pour les Castors : cherchez sur Internet.
Bref, sans rentrer dans les détails, la complémentarité entre nos approches me semble évidente...
Je suis tout ouvert à une coopération ; sachant que ma demande préalable est triple :
1- Respecter la notion de "trace des contributions" (respecter le travail des contributeurs)
2- Accepter que notre cerveau a besoin d'être aidé dans notre monde très rapide
3- Pour aider nos cerveaux, il faut avoir des outils et méthodes conçues en respectant au moins les règles de fiabilité spatiale (pas conçues avec les logiques marchandes) et ne pas embarquer les utilisateurs tant que ces outils ne sont pas au point. Ils seront au point quand on aura le OK Politique qui déclenche le retour sur investissement : Avec le droit de "compter ce qui compte vraiment" en respectant la notion d'information "solide" que nous devons expliciter et faire monter en conscience, sinon, nous allons, une fois de plus, fabriquer une génération de scammers !
JE vous laisse réagir ...
Cordialement
Claude PERIGAUD